Le Makhzen déstabilisé par la visite de Ban Ki-moon à Bir Lahlou : le violent dépit de Rabat
L’utilisation à juste titre du mot «occupation» par le secrétaire général de l’ONU en abordant la question sahraouie a fortement ébranlé le Makhzen qui a réagi en des termes acerbes à son encontre. Le Maroc a rendu public un communiqué d’une rare virulence contre Ban Ki-moon suite à ses déclarations sur la question sahraouie et se dit carrément «stupéfait» par ce qu’il qualifie de «dérapages verbaux». Le Makhzen a été sérieusement secoué par la visite du premier responsable de l’organisation onusienne dans les territoires sahraouis libérés. Ban Ki-moon a pu voir de ses propres yeux lors de son déplacement dans la région, que Rabat a tout fait pour empêcher, en vain, ce qu’endurent le peuple sahraoui et les réfugiés qui attendent que l’ONU réactive de façon sérieuse et diligente le processus de décolonisation. La réaction du Maroc est symptomatique d’une grosse panique suite aux échecs successifs de sa diplomatie qui perd du terrain devant la détermination du peuple sahraoui à arracher son indépendance, malgré toutes les tentatives perfides du régime monarchique de Rabat de retarder le règlement de ce problème par les voies légales. Pour camoufler ce énième flop de la diplomatie marocaine, le Makhzen accuse le secrétaire général des Nations unies de «complaisance injustifiée» et dénonce des «propos inappropriés politiquement» et «inédits dans les annales de ses prédécesseurs», voire «contraires aux résolutions du Conseil de sécurité» (sic). Par ces gesticulations, Rabat cherche à culpabiliser Ban Ki-moon, dont les «propos outrageux blessent les sentiments de l'ensemble du peuple marocain», est-il souligné dans le communiqué du Makhzen, repris par l’agence de presse officielle du Palais. Les autorités marocaines ont suivi pas à pas les déplacements du secrétaire général de l’ONU et écouté une à une ses déclarations lors de sa mission à Alger et Bir Lahlou. Affaibli et en manque d’arguments, le Maroc tente de retourner la situation en affirmant que Ban Ki-moon «s’est départi de sa neutralité, de son objectivité et de son impartialité» et qu’il a «affiché ouvertement une indulgence coupable avec un Etat fantoche, dépourvu de tous les attributs, sans territoire, ni population, ni drapeau reconnu». Le royaume du Maroc ne pouvait pas laisser passer cette occasion sans, encore une fois, écorcher son voisin de l’est, l’Algérie, accusé d’avoir «manipulé» et «instrumentalisé» le secrétaire général de l’ONU. S’engluant dans ses contradictions, le Makhzen reproche à Ban Ki-moon de ne pas avoir évoqué la question du recensement des populations sahraouies réfugiées à Tindouf, se tirant ainsi une balle dans le pied, puisque c’est le Maroc, justement, qui retarde ce processus sachant qu’un référendum d’autodétermination déboucherait inéluctablement sur l’indépendance du Sahara Occidental. En déclarant que la Minurso «est prête pour organiser le référendum d’autodétermination si les deux parties sont d’accord», et que «de vraies négociations n'ont pas encore commencé», Ban Ki-moon a piégé Rabat. Dès lors, la fiction de l'autonomie comme «seule solution crédible et réaliste» tombe à l'eau. D’un autre côté, Ban Ki-moon a court-circuité les Marocains et leur allié français qui font tout pour couper les aides humanitaires de l'UE, en mettant en avant son engagement personnel à réunir une conférence des donateurs avant juin. En voulant couper les vivres aux Sahraouis, le Maroc et la France visent, en fait, à mettre la pression financière sur l’Algérie pour l'amener à inciter le Polisario à accepter la thèse de l'autonomie. Par ces faux fuyants, le Makhzen fait preuve de mauvaise foi. Mais la partie n’a que trop duré. Cette fois-ci, Ban Ki-moon s’est rendu sur place, a vu de ses propres yeux et est reparti avec la ferme conviction que le dossier du Sahara Occidental doit impérativement être réglé dans les plus brefs délais. Que d’argent perdu dans un lobbying aussi absurde qu’improductif par une monarchie totalement désintéressée de la misère de son peuple.
Karim Bouali