Une contribution de l’Anaaf – Le 19 mars aurait dû être un acte de mémoire et de vérité(*)
L'exigence de commémoration officielle du 19 mars 1962 aurait dû être, depuis plusieurs années, un acte de mémoire et de vérité qui doit permettre de regarder l'histoire coloniale de la France telle qu'elle a été, et non pas comme l'ont voulu les initiateurs de la loi du 23 février 2005 pour banaliser et réhabiliter, aux yeux des gens, le colonialisme subi par l'Algérie pendant 132 ans. Aujourd'hui, toutes celles et tous ceux qui sont attachés aux valeurs républicaines, de liberté, d'égalité et de fraternité doivent s'unir pour s'opposer aux tentatives négationnistes et révisionnistes de tous ceux qui veulent absoudre les criminels de la nuit coloniale, condamner leurs descendants ou complices revanchards qui tentent de semer et d'entretenir politiquement la haine, le mépris et le racisme anti-algérien. Cinquante-quatre ans après la fin de la guerre d'Algérie, il est grand temps que les peuples français et algérien cheminent, enfin et sincèrement, vers des relations apaisées, confortées par une coopération loyale et une solidarité amicale, nécessaires à la paix en Méditerranée et en Afrique.
Le lundi 19 mars 1962 restera à jamais pour le peuple algérien le symbole de sa victoire et de son indépendance nationale retrouvée, de la liberté et de la souveraineté des peuples à disposer d'eux-mêmes, contre le colonialisme et la barbarie de la guerre. Le président le République française, M. François Hollande a pris la décision de participer aux commémorations du 19 mars 1962. Par ce geste hautement symbolique, mais qui fait en même temps polémique, il confirme que la France doit résolument s'engager, en pleine clarté, dans un travail de mémoire historique objectif, pour que les souffrances de toutes les victimes du colonialisme soient enfin reconnues. Les sept années d'une guerre impitoyable débouchent, après les Accords d'Evian du 18 mars 1962 et le cessez-le-feu du 19 mars, sur l'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet de la même année. Le terme officiellement employé à l'époque par la France était «événements d'Algérie», bien que l'expression «guerre d'Algérie» ait eu cours dans le langage courant. L'expression «guerre d'Algérie» a été officiellement adoptée en France le 18 octobre 1999 sous le gouvernement Jospin, après un vote unanime des deux chambres. Malgré ou à cause de la brutalité de cette guerre, celle-ci est restée volontairement ou inconsciemment enfouie dans le non-dit, sujet longtemps tabou et controversé. En France, beaucoup continuent malheureusement de s'opposer à toute commémoration officielle susceptible de construire l'oubli d'un conflit qu'ils veulent conserver enfoui dans la mémoire respective du peuple algérien et du peuple français. La date du 5 décembre, retenue par le président Jacques Chirac en 2003, en référence à l'inauguration du mémorial national d'AFN quai Branly, n'a pas apaisé les tensions.
Que s'est-il passé le 19 mars 1962 ? C'est, en effet, ce jour-là que l'ordre de paix, proclamant le cessez-le-feu, est donné à l'armée française, suite aux accords d'Evian signés la veille. Pour l'historien Jean Lacouture, «le 19 mars 1962 fut le premier jour où la France ne fut en guerre avec aucun peuple et la fin d'une ère coloniale aux lourdes conséquences.» Les partisans de la commémoration du 19 mars soutiennent la proposition, depuis plusieurs décennies, sans en avoir obtenu l'adoption par les deux chambres. Initialement, le 9 février 2000, Bernard Charles (radical-citoyen-vert) dépose une proposition de loi «tendant à instituer une journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie», fixée par l'article 2 au 19 mars, entre 2000 et 2001. Cette proposition est redéposée par Jean-Pierre Soisson (UMP), Alain Bocquet (parti communiste français), Jean-Pierre Michel (radical-citoyen-vert), Alain Néri (parti socialiste) et Didier Julia (UMP). Le texte dit «petite loi» est adopté par l'Assemblée française en première lecture le 22 janvier 2002.
Dernièrement, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie (Fnaca) fait valoir que la date du 5 décembre, retenue par le président Jacques Chirac en 2003, en référence à l'inauguration du mémorial national quai Branly en 2002, n'a aucune valeur historique. La tradition républicaine française veut qu'une date commémorative reprenne la date historique marquant la fin des hostilités. Les accords signés à Evian, le 18 mars 1962, marquent la fin des opérations militaires et de toute action armée sur le territoire algérien au 19 mars à 12 heures, date officielle du cessez-le-feu. En dépit des interprétations politiques des uns ou des autres, le 19 mars 1962 exprime bien la fin de la guerre d'Algérie et son cortège de souffrances des différentes populations, mais aussi des horreurs et des crimes commis contre le peuple algérien. C'est pourquoi le 19 mars apparaît bien comme la date qui a le plus de sens et de légitimité historique, parce qu'elle marque la proclamation de la souveraineté retrouvée du peuple algérien, mais aussi, en France, la «journée du souvenir» de toutes les victimes de la guerre d'Algérie.
Alliance nationale des associations des Algériens de France (Anaaf)
Pour Algeriepatriotique
(*) Le titre est de la rédaction