Comment la mièvrerie diplomatique du Makhzen a sorti la question du Sahara Occidental de l’oubli
En annonçant des mesures unilatérales qui reviendront à saper le travail de la Minurso, notamment le volet politique de la mission, le Maroc a pris le risque de se trouver en confrontation directe avec la communauté internationale. Les propos ineptes de Salah-Eddine Mezouar, relayés par Nasser Bourita, le nouveau ministre délégué aux Affaires étrangères, laissant accroire que le Maroc n’a pas de problème avec l’ONU mais avec son secrétaire général, ne tromperont personne, car ce distinguo ridicule ne saurait justifier la prise de mesures extrêmement disproportionnées de la part du Maroc.
Dans ce bras de fer, le Maroc finira, tôt ou tard, par faire céder et faire machine arrière malgré le soutien de son parrain français et le concours de trois autres membres non permanents du Conseil de sécurité, dont l’Egypte, à la surprise générale. La position ferme des autres membres permanents, les Etats-Unis notamment, augure de pressions intenses à venir pour préserver l’intégrité de la Minurso et pour amener le Maroc à respecter pleinement ses obligations internationales.
En l’espace de 24 heures, Washington a réitéré son soutien à la mission onusienne et à l’importance de son rôle, en appelant les parties – le Maroc, en fait – à rester pleinement et activement engagées dans la recherche d’une résolution effective de cette crise.
Le déjeuner prévu lundi prochain entre le secrétaire général de l’ONU et les quinze membres du Conseil de sécurité, devrait justement permettre de clarifier la position de ce dernier sur cette crise «tactique et préventive» que le Maroc cherche à instrumentaliser pour «émasculer» le rapport que Ban Ki-moon soumettra en avril prochain au Conseil de sécurité.
D’autres pressions sont venues de Bruxelles pour inciter le Maroc à apaiser cette querelle. Car, en cas de tensions dans la région, l’UE serait contrainte de réviser sa position avec ce partenaire du Sud. L’annonce en catimini par le Maroc de la reprise de ses contacts avec l’Union européenne, après la bravade du «gel soumis à l’obtention de concessions européennes», alors que Rabat n’a rien obtenu, renseigne sur la portée de ces pressions en plus du fait que le Maroc ne peut pas gérer en même temps deux fronts conflictuels.
L'UE soutient Ban Ki-moon
De son côté, l'Union européenne a réaffirmé son soutien aux efforts du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, en vue de parvenir à une solution qui permettra l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental, plaidant pour le maintien de la Minurso. «La position de l'UE et ses Etats membres sur le Sahara Occidental n'a pas changé d'un iota. (…) Nous réitérons, ici, notre soutien aux efforts du secrétaire général de l'ONU en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permettra l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental dans le cadre d'arrangements conformes aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations unies», a déclaré le chef de la division Maghreb au service de l’action extérieure de la Commission européenne, Bernard Savage. «L'UE soutient les efforts du secrétaire général des Nations unies, bien que nous soyons conscients de la controverse qui règne actuellement et des différends qui séparent le Maroc et l'office du secrétaire général», a-t-il souligné.
M. Savage a réitéré, en outre, le soutien de l'UE à la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental (Minurso), plaidant pour son maintien après l'annonce de la réduction de son effectif par le Maroc. La vice-présidente de la délégation de l'UE pour les relations avec les pays du Maghreb et l'Union du Maghreb arabe (DMAG), Giminez Borbat, a, quant à elle, dénoncé la violence de la réaction du gouvernement marocain à l'égard du secrétaire général des Nations unies, et son ingérence dans les affaires juridiques de l'Union. «Nos intérêts ne doivent pas être au-dessus du droit international et des droits de l'Homme», a-t-elle affirmé.
En définitive, le Maroc a rendu un fier service au Polisario, car de «crise oubliée», la cause sahraouie, se retrouve désormais inscrite comme priorité dans l'agenda des Nations unies.
Karim Bouali