Le duo Lavrov-Kerry
Par Rabah Toubal – Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire ! Cela est peut-être dû au fait que Sergueï Lavrov est le plus «américain» des proches collaborateurs sur lesquels le président russe, Vladimir Poutine, compte pour mener à bien la renaissance de la «Grande Russie» à laquelle il aspire depuis son accession à la magistrature suprême de son pays. Et pour cause, le chef de la diplomatie russe a passé de nombreuses années aux Etats-Unis, où il était le redoutable représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'ONU. Quant à John Kerry, candidat malheureux à la présidentielle de 2004, contre le républicain George W. Bush, et vétéran de la guerre du Vietnam, il est réputé pour sa rectitude morale et sa compétence pour les questions internationales. Ainsi, au fur et à mesure des dossiers qu'ils avaient traités et de ceux qu'ils traiteront ensemble, les deux hommes, qui se respectent, se font confiance et s'apprécient énormément, ont veillé, l'un et l'autre, à ne pas léser les intérêts stratégiques de leur pays et à en convaincre leur hiérarchie, plus que jamais disposée à aller de l'avant. Il est fort possible que Bachar Al-Assad puisse être sacrifié sur l'autel d'une réconciliation russo-américaine, pensent certains experts. Poutine n'a sans doute pas oublié qu'au moment où l'Union européenne menait une campagne féroce contre lui et son pays, en raison de la position de la Russie sur l'Ukraine, les Etats-Unis, qui avaient mis en œuvre les sanctions décidées contre la Russie, avaient permis à cette dernière de sortir de sa quarantaine en l'associant, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, aux négociations des 5+1 avec l'Iran, sur le dossier nucléaire. Malgré les initiatives de la Russie en faveur de Bachar Al-Assad, Moscou a toujours tenu à en informer Washington, même après coup. Apparemment, l'inextricable dossier syrien serait bien pris en charge par les deux grandes puissances, qui font chacune les concessions nécessaires pour le régler d'une manière acceptable pour leurs intérêts et ceux des principales parties en conflit. Un exemple, en effet, de ce que des relations diplomatiques fondées sur une vision claire pourraient permettre de réaliser dans un domaine ultrasensible et qui seraient poursuivies par le successeur d’Obama, si le candidat démocrate était élu en novembre prochain, avec le même secrétaire d'Etat. Cela pourrait bien valoir un prix Nobel de la paix aux ministres des Affaires étrangères russe et américain, conjointement, peut-être, avec Staffan de Mistura, le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU pour la Syrie, afin de réhabiliter cette institution qui fait l'objet de critiques odieuses de la part du Maroc, certainement avec la bénédiction de son parrain français.
R. T.
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