A propos des menaces du Premier ministre contre le MAK
Monsieur Sellal, l’histoire nous a appris que les menaces verbales et le déploiement des forces de sécurité ne peuvent pas venir à bout d’un mouvement indépendantiste. A partir de Constantine, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a affirmé, samedi 16 avril 2016, que l’unité nationale est une «ligne rouge à ne pas dépasser». Il s’agit d’une allusion à peine voilée au MAK, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie. Le Premier ministre a enchaîné : «Grâce à la constitutionnalisation de l’amazighité en tant que langue nationale et officielle, il a été mis fin à la politisation de cette langue pour devenir l’une des constantes de l’identité nationale.» Cette dernière déclaration de M. Sellal me laisse perplexe dans la mesure où il est soit mal informé de ce qui se trame dans les milieux indépendantistes en Kabylie, soit qu’il évalue très mal l’évolution de la situation dans cette région du pays. Il semble ignorer que les indépendantistes kabyles étaient informés du fait que le pouvoir allait «constitutionnaliser» tamazight (Amar Saïdani, le porte-parole du président Bouteflika l’avait annoncé à plusieurs reprises), et, avec l’«aide» de plusieurs parties étrangères, ils avaient anticipé en revendiquant le kabyle et non plus tamazight. Il semble ignorer, également, que le MAK qui à sa naissance prônait l’autonomie a mué pour devenir le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie. Le plus grave est que notre Premier ministre semble ignorer que les menaces verbales et le déploiement ou l’usage de la force n’ont jamais réglé et ne régleront jamais ce genre de «problèmes». Au contraire, ils les vulgariseront, voire ils les légitimeront. Ce que doit savoir M. Sellal, c’est que ceux qui tirent les ficelles à partir de Rabat, Paris ( voir ce qu’a écrit Bernard-Henri Lévy à ce sujet à l’adresse : http://laregledujeu.org/2016/04/15/28755/kabyles-un-peuple-sans-reconnaissance-en-algerie/), ont justement, besoin d’affrontements, de sang, de blessés et surtout de morts (martyrs) pour enflammer non pas la Kabylie seulement, mais toute l’Algérie. Le véritable danger c’est ça. Il est permis de noter, dans ce cas précis, que les attaques contre des personnalités algériennes civiles et militaires, dont le dernier tweet de M. Valls, la déstructuration du DRS et les attaques gratuites contre ses cadres, le comportement agressif, récent, du Makhzen à l’encontre de Ban Ki-moon et de l’Algérie, les «gesticulations» de certaines monarchies du Golfe, ainsi que la supposée solution trouvée pour le règlement de la crise (fabriquée) en Libye, et le déploiement des armées occidentales qu’elle engendrera, semblent converger vers cet objectif (une révolution en Algérie). C’est ce que M. Sellal et certains décideurs refusent de voir. Si le MAK a pris une certaine ampleur, la faute incombe à ceux qui ont décidé de le mépriser dès sa création. Si le MAK a pu recruter de jeunes Algériens, c’est parce que des responsables n’ont pas jugé utile d’entamer un dialogue avec les autonomistes. Si le MAK paraît dangereux aujourd’hui, c’est parce que des opportunistes, des arrivistes se faisant passer pour des responsables politiques ont manœuvré pour affaiblir les partis politiques de l’opposition tels que le RCD et le FFS. Si le MAK est devenu indépendantiste, c’est parce que la nature a horreur du vide, et c’est surtout parce que quelque part des responsabilités n’ont pas été assumées. Des idées se combattent par des idées et non pas par la force. Si notre gouvernement était fort et convaincu de la justesse de sa démarche, qu’il imite le Canada, qu’il anticipe en organisant lui-même, un référendum. Ou qu’il opte pour une politique de régionalisation, au lieu d’organiser des galas de soutien au Président au niveau de la coupole à Alger. Mais qu’il cesse de rabâcher «la main de l’étranger», car cette dernière ne pourra rien faire si elle ne dispose pas de relais en Algérie, voire dans les rouages de l’Etat.
Mohamed Belamine
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