Ouyahia et le populo
Par Kamel Moulfi – Dans son intervention publique de ce week-end, Ouyahia s’en est pris aux journalistes qui seraient coupés du peuple ! Selon le responsable du RND, c'est donc les journalistes qui vivent reclus dans des endroits clos, des sortes de ghettos comme au Club des Pins. Ce sont eux qui, pour rejoindre leur lieu de travail, circulent sur la voie express des autoroutes, flanqués d'une pléthore de gardes du corps. Par contre, dans ce monde à l’envers qui existe dans l’imagination d’Ouyahia, c’est lui, le secrétaire général du RND, qu’il n’est pas rare de voir «déambuler dans les rues crasseuses d’Alger ou s’attabler à une terrasse de café, sans gardes du corps, non loin du siège de son parti à Ben Aknoun ou à Alger-Centre» (voir article d’Algeriepatriotique). Les journalistes ont bon dos quand ça cafouille quelque part dans les arcanes du pouvoir. Mais soyons sérieux, nous sommes en 2016 ! C’est l’ère des technologies de l’information et le règne des lanceurs d’alerte. Ce n’est plus le temps des communiqués ministériels et des briefings officiels répercutés à la lettre par le journaliste «accrédité». Ouyahia, le gouvernement et la classe politique doivent s’adapter. Les journalistes sont plus nombreux, n’ont plus besoin d’être «professionnels» avec une carte, ils sont moins contrôlables, plus influents, plus «perturbateurs», avec un degré de liberté plus grand. Il n’y a pas que les journaux, la radio ou la télévision, «classiques» qu’il est possible de maîtriser ou de manipuler, par divers moyens. Internet a provoqué une éclosion de sites électroniques et de réseaux sociaux qui n'ont pas cure de la carte de Grine et n'ont pas besoin d'un bout de papier appelé «agrément» ou d'un coup de pouce intéressé venant d'en haut, et remplissent, eux aussi, une fonction d’information et dérangent le train-train quotidien. Le mensonge mis au service de la propagande a moins de facilité à passer. Et, évidemment, cela complique le problème pour le gouvernement et, d’une façon plus globale, la classe politique, dans le rapport qu’ils entretiennent avec les médias. Le problème, c’est que les hommes politiques, qui veulent, comme Ouyahia, se montrer aux gens, parfois de manière obsessionnelle, et faire circuler leurs messages, ne peuvent pas faire l’impasse sur la présence des médias. Aucun d’entre eux ne commence son activité s’il ne voit pas dans la salle une flopée de journalistes avec une prédilection pour ceux qui portent une caméra et un micro. Ouyahia serait-il coupé de cette réalité ?
K. M.
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