20 Avril : des milliers de personnes marchent à Béjaïa et Tizi Ouzou
La célébration du 20 Avril s’est déroulée dans le calme total, au moment où d’aucuns appréhendaient des troubles, voire une réaction musclée des autorités en Kabylie. Mais la surprise de cette journée a été l’œuvre du Mouvement d’autonomie de la Kabylie (MAK), dont l’appel à une marche aujourd’hui, pour célébrer le 36e anniversaire du Printemps berbère, a drainé des milliers de personnes à Béjaïa. C’est sans doute la plus grande démonstration de cette organisation séparatiste dans la capitale des Hammadites. Partie du campus Targa-Uzemmur aux environs de 11h30, la manifestation a culminé à la placette Saïd-Mekbel, face au siège de la wilaya, au centre-ville. Brandissant des emblèmes tricolores du mouvement et une grande banderole sur laquelle est écrit «Pour l’autonomie de la Kabylie», les manifestants, en majorité des jeunes, scandaient des slogans traditionnels hostiles au pouvoir, ponctués par des chansons de Ferhat Mehenni, le fondateur du mouvement. Au niveau du siège de la wilaya, un militant s’est détaché de la foule pour grimper sur un mat et hisser un drapeau dit «kabyle», aux côtés du drapeau national, devant le regard médusé des agents de police présents en force. Ces derniers ont-ils dû, sans doute, recevoir des instructions pour ne pas répondre aux provocations. La marche s’est achevée par un rassemblement et des prises de parole reprenant à tue-tête la revendication pour «l’indépendance de la Kabylie». Une demi-heure plus tôt, le RCD avait, lui aussi, organisé une marche qui a drainé une foule importante, mais visiblement moins nombreuse que celle du MAK. Les manifestants du RCD avaient emprunté le même itinéraire, mais en démarrant de la maison de la culture Taos-Amrouche. Au cours du rassemblement, les animateurs du RCD se sont relayés au mégaphone pour vilipender le pouvoir. Le porte-parole du parti, Atmane Mazouz, a descendu en flamme Ould Ali El-Hadi, ministre de la Jeunesse et des Sports, sans le nommer, qui avait appelé la veille à ne pas marcher. «Notre rassemblement, a-t-il dit, est la plus belle réponse à ceux qui veulent démobiliser les citoyens.» Un autre cadre a dénoncé «la supercherie» de la nouvelle Constitution. Le RCD avait appelé à cette marche pour réclamer «l’officialisation effective» de la langue amazighe. Après cette marche, des groupes d’étudiants se disant non partisans, drapeaux jaune et bleu à la main, sont venus occuper la place, avant de se diriger vers le tribunal de la ville pour dénoncer «l’injustice» et «les abus impunis». A noter, enfin, qu’un hélicoptère de la police n’a pas cessé de survoler le périmètre où se sont déroulées les marches.
Par ailleurs, la ville de Tizi Ouzou a été marquée par une double marche de célébration du 20 avril 1980. D’un côté, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui réclame une véritable officialisation de tamazight et des changements démocratiques. De l’autre, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK, non officiel) qui sillonne la ville de Tizi Ouzou en appelant à l’indépendance de la Kabylie. Les deux marches se sont déroulées dans le calme. Même si les organisateurs ont fait état de plusieurs interpellations, notamment dans la commune des Ouadhias. Munis de drapeaux «kabyles», les manifestants ont marché de l’université de Hasnaoua jusqu’à la place Slimane-Azem. Des slogans «indépendantistes» à l’instar de «Kabylie indépendante», «Gendarmes assassins» ou encore «Arraw n-tlelli (les enfants de la paix)» ont été scandés tout au long de cette marche qui s’est déroulée sous une haute surveillance sécuritaire terrestre et aérienne. Survolés par un hélicoptère de la police, les manifestants ont crié à tue-tête : «Ma tevgham lgirra ur nugad ara (si vous voulez la guerre, nous n’avons pas peur)». Les marcheurs ont également scandé le fameux «pouvoir assassin» ou encore un refrain d’une chanson du défunt Maâtoub Lounès : «Slaâvitt ay avehri». Les manifestants ont pris le soin de brandir d’autres drapeaux de «peuples en quête de leur souveraineté» à l’instar du drapeau catalan et québécois. Pour ne pas se mélanger avec les militants du RCD, les marcheurs du MAK ont changé d’itinéraire. Au lieu de terminer leur marche au niveau de l’ancienne mairie, ils ont continué jusqu’à la place Slimane-Azem. Nordine Aït Hamouda, membre fondateur du RCD et ancien député, est venu saluer le président du MAK, Bouaziz Aït Chebib. La présidente du Congrès mondial amazigh a pris part à cette marche. De son côté, le RCD a battu le pavé en marchant de l’université de Tizi Ouzou jusqu’à l’ancienne mairie au centre-ville. Munis de drapeaux algériens et berbères, les manifestants du RCD ont sillonné les artères de la ville en scandant des slogans hostiles au pouvoir. Les organisateurs parlent de milliers de manifestants qui ont répondu à l’appel du RCD. Les services de sécurité ont suivi cette marche de loin, sans intervention aucune. Le RCD a néanmoins fait état d’interpellations de plusieurs de ses militants la veille de la marche. Le RCD avait mis en garde les autorités contre toute tentative d’empêcher ses marches commémoratives du 20 avril et avait appelé ses militants à la vigilance face aux tentatives de provocation du pouvoir.
Rabah Aït Ali et Sonia Baker