Le pacte pouvoir-zaouïas
Par R. Mahmoudi – Se faire recevoir par les chefs de zaouïa, mokaddems ou khalifas, est dans la tradition dynastique appliquée par tous les souverains et féodaux des pays maghrébins, depuis au moins le Moyen-âge. Des Zianides à Tlemcen à l’Emir Abdelkader dans les plateaux du Titteri, en passant par les rois de Koukou en Kabylie, tous les hommes de pouvoir autochtones ont sollicité la bénédiction d’une autorité religieuse. Cette dernière détenant le pouvoir transcendantal pour légitimer le règne ou le djihad, comme ce fut le cas avec le bachagha M’hammed El-Mokrani qui dut attendre la caution d’un chef de tariqa (ordre), Cheikh Aheddad, pour lancer la guerre sainte contre l’occupation française, dans la seconde moitié du XIXe. Cette zaouïa est, d’ailleurs, devenue un haut lieu de pèlerinage, depuis qu’elle a été réhabilitée avec faste durant le deuxième mandat de Bouteflika. C’est la preuve que le pouvoir religieux a toujours été, dans nos pays, au service du pouvoir séculier qui a entre les mains la force armée et une partie des ressources économiques, l’autre étant cédée par ce même pouvoir aux dignitaires religieux. La seule fois dans l’histoire où le religieux a tenté, peut-être, d’inverser l’équation, c’est à l’avènement des mouvements islamistes radicaux qui ont pris le soin, dans leur ascension, de rallier les anciennes zaouïas et d’en réduire l’influence populaire. Ce n’est pas un hasard si certaines zaouïas, notamment dans les zones montagneuses, ont servi, dans les années 1990, comme lieux de refuge aux terroristes islamistes, alors que leurs adeptes sont imprégnés de l’esprit du soufisme, qui est l’expression même de la non-violence en islam. Les plus réfractaires au déferlement du FIS avaient gelé leurs activités et certains en ont payé de leur vie. C’est dire que les zaouïas ne peuvent, dans tous les cas de figure, se concevoir que comme un instrument de pouvoir, consentant ou non.
R. M.
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