Question de cinéma
Par Kamel Moulfi – La contribution du réalisateur Ali Akika (voir article par ailleurs) met à nouveau en lumière la réalité amère de la création cinématographique dans notre pays. C’est clair : le cinéma algérien n’est plus ce qu’il était. L’accueil des téléspectateurs à la rediffusion des vieux films est accompagné systématiquement d’une grande émotion collée à la nostalgie pour cette époque glorieuse, quand l’Algérie produisait des œuvres cinématographiques qui drainaient la foule vers les salles de cinéma et qui avaient également leurs places dans les festivals internationaux. En même temps, il y a un sentiment de consternation qui surgit de la comparaison spontanée avec l’état actuel du 7e art dans notre pays. Les salles de cinéma ont disparu depuis plus d’une trentaine d’années, les unes abandonnées comme des reliques, et d’autres transformées de fond en comble pour servir à un commerce nettement plus lucratif. Quant aux prestigieux festivals, nos officiels et fonctionnaires s’y bousculent, mais les mains vides. Les professions liées aux métiers du cinéma ont été «défonctionnarisées» dans les années 1990 dans une opération qui se voulait similaire à celle qui a conduit à la naissance de la presse indépendante (qui elle-même a commencé à donner naissance à la presse privée dépendante du pouvoir de l’argent). Que sont devenues les coopératives de production cinématographique créées avec l’argent public ? Ont-elles été soutenues par des commandes de l’Etat ou un quelconque autre mécanisme de financement ? Celles qui subsistent sont-elles associées à la réalisation des commandes du ministère de la Culture pour la réalisation de films sur les grandes figures de l’histoire de notre pays ? Les péripéties qui ont marqué le projet de film sur l’Emir Abdelkader sont, paraît-il, édifiantes à ce propos. La série de questions que pose Ali Akika mérite un débat : pourquoi les prestigieux personnages de notre histoire n’ont-ils pas droit à des films à la hauteur de leurs rôles historiques ? N’avons-nous pas des historiens qui connaissent sur le bout des doigts la vie et le parcours de ces héros ? N’avons-nous pas des écrivains qui manient la plume et l’imagination pour les habiller de la meilleure étoffe qui sied aux héros ? N’avons-nous pas des cinéastes à qui on pourrait offrir toute l’armada exigée par l’industrie du cinéma et qu’on laisse mener leur barque tranquillement ? Dans le cinéma, il y a le plaisir qu’offre le spectacle, mais il y a aussi la fonction de flamme qui entretient la mémoire, «car un film ne se consomme pas comme une banane. Il nourrit notre imaginaire et participe à la construction d’une conscience nationale et historique», c’est Ali Akika qui le souligne. Les éditions de festivals internationaux du film qui sont spécialement dédiées à l’entité sioniste prouvent bien que cette sphère fait partie intégrante d’une vraie guerre idéologique, sur fond culturel.
K. M.
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