La trouvaille d’un colonel du GIGN : le terrorisme… un problème de «denrées alimentaires»
Pour parler des attentats terroristes qui ont endeuillé la France et des menaces qui continuent encore de peser sur ce pays, un commandant du GIGN, le colonel Hubert Bonneau, s’est cru obligé d’évoquer l’Algérie dans des propos pour le moins incongrus ; d’ailleurs, parmi les médias français qui ont rendu compte de son discours prononcé en clôture du forum Technology Against Crime (TAC), réuni à Lyon vendredi dernier, seul Le Pointa rapporté les passages concernant notre pays. Le colonel s’est offert une digression en allant sur un terrain qu’il ne connaît pas du tout : «Le contexte international est très défavorable. La baisse du prix de l'hydrocarbure impacte directement les choses. Nous, on est peut-être contents. Mais l'Algérie a consacré deux ans de réserve financière pour garantir le prix des denrées alimentaires de base.» L’hebdomadaire français note que cette remarque a été contestée par le représentant d'Interpol Algérie, présent dans la salle. Mais pour le journaliste, «qu'importe, le message que veut faire passer Hubert Bonneau, c'est qu'un appauvrissement de la population peut jouer en faveur des groupes terroristes qui sauront recruter les plus faibles et jouer sur les peurs». Le colonel réduit le terrorisme à un problème de… «denrées alimentaires». Il ne sait pas que c'est à cause de ce genre de raisonnement absurde que le terrorisme prospère ! Pour lui, c’est cela qui explique «l'Algérie, dans les années 90». Il ajoute, pourtant, que «les échanges internationaux se font très régulièrement», mais qu’a-t-il appris de ces échanges ? Rien, il montre qu’il ignore tout des réalités algériennes qu’il confine dans la fourchette des prix des hydrocarbures. Son raisonnement est d’un simplisme déroutant : les prix des hydrocarbures baissent, la population s’appauvrit et le terrorisme recrute puis frappe… en France. La démonstration du colonel – «au franc-parler», comme aiment le flatter les médias français – ne fait aucune place au fanatisme religieux et à son instrumentalisation par les services occidentaux pour déstabiliser les pays qui dérangent, surtout si ces pays ont une importance capitale soit par leurs richesses pétrolières et gazières, soit par leur position géostratégique. Et, avec ça, il s’autorise à dire : «Je ne fais pas de politique, moi.» Mais le commandant, dans une ultime sortie, semble revenir à la lucidité et à la vérité en soulignant un fait essentiel, tel que rapporté par Le Point: «Sur les attentats en France, à part quelques personnages en novembre, tous ceux qui agissent sont français. […] C'est avant tout une problématique de sécurité intérieure. C'est quelque chose qui nous a beaucoup surpris.» Y a-t-il un problème de «denrées alimentaires» en France ? Non, il ose dire que «les groupes terroristes profitent d'une véritable faiblesse de nos démocraties», suggérant un tour de vis suffisamment fort pour limiter les libertés en France, mais, cela, il n’ose pas le dire. Pour lui, «le problème ne trouvera une solution que sur la scène internationale». Comment ? C’est à ce stade de son raisonnement que le colonel a fait référence à la pauvreté… en Algérie. Il aurait dû se documenter sur le cas algérien avant d’en parler pour éviter une improvisation totalement déplacée sur le rapport entre la pauvreté et le terrorisme en Algérie. Si les responsables occidentaux avaient écouté les alertes lancées par le président syrien Bachar Al-Assad, concernant le risque véhiculé par les mercenaires terroristes de retour dans leurs pays, le fameux «retour de flamme», ils auraient vu les choses arriver.
Houari Achouri