Une contribution d’Omar Mazri – La déplorable et abominable éviction de Dilma Rousseff
Lorsqu'on voit les stars de la communication-système afficher leurs réjouissances devant le visage défait et les yeux en larmes de Dilma Rousseff quittant le palais présidentiel, on doit chercher à trouver la vérité pour se résigner et ne pas devenir obscène.
Lorsqu'on voit les stars de la communication-système afficher leurs réjouissances devant le visage défait et les yeux en larmes de Dilma Rousseff quittant le palais présidentiel, on doit chercher à trouver la vérité pour se résigner et ne pas devenir obscène.
La vérité est amère et cruelle, mais elle devient sérénité lorsqu'elle est vue dans la réalité du monde tel qu'il est. En réalité, il n'y a pas de corruption, car Dilma Rousseff n'a ni détourné des deniers publics, ni spolié des terres, ni abusé de privilèges comme cela est la tradition dans les pays arabes. Elle est une grande militante progressiste à l'instar des grandes figures latino-américaines, tels Fidel Castro, Hugo Chavez, Evo Morales et Daniel Ortega. Ces figures n'ont rien à voir avec les bureaucrates du progressisme européen ni avec les manipulateurs du socialisme français ; elles sont l'émanation des masses laborieuses et des couches populaires qu'elles ont servies avec dévouement et ténacité au péril de leur vie et de leur crédibilité. Comme un chien accusé de la rage pour avoir le droit de le noyer, Dilma Rousseff est accusée de corruption. La corruption dont elle est accusée est, en réalité, une manipulation des chiffres pour masquer le déficit budgétaire et contenir la crise sociale et économique.
Cette fausse réalité sur la pseudo-corruption cache la vérité ; celle des alliances diaboliques de l'Empire et du sionisme. Le premier reproche à Dilma Rousseff est son émancipation de l'hégémonie américaine fortement engagée par son prédécesseur et mentor Da Silva. Le premier lui reproche le dynamisme joué par les BRICS dans l'émergence d'un bloc politico-économique plus ouvert à la Russie et mettant en péril l'hyperpuissance américaine. Le second lui reproche le soutien ferme et non négociable à la cause palestinienne avec des positions hautement courageuses contre l'Etat israélien : le refus de l'occupation puis le refus de Dani Dayan comme ambassadeur au Brésil en août 2015. Alors que les Béni Bédouins officialisent leur reconnaissance de l'entité sioniste, les actuels Béni Barzal (arabo-juifs portugais fondateurs du Brésil), dont Dilma Rousseff, refusent d'officialiser la nomination de Dani Dayan à cause de ses postes de direction au sein du Conseil Yesha, comité représentant les colonies israéliennes en Cisjordanie.
Dans le rapport des forces mondiales, le départ de Dilma Rousseff est au profit de l'Empire et de ses visées prédatrices et destructrices. Il est dommage que les dirigeants les plus honnêtes et les plus engagés, notamment ceux d'Amérique latine que nous avons évoqués, puissent commettre des fautes politiques en reconduisant des pratiques qui ne siéent pas à leur combat dans l'ordre actuel du monde, comme dans le cas de Dilma, la manipulation des comptes de l'Etat. Ces fautes sont exploitées sans pitié par l'Empire qui va empoisonner davantage la vie de dizaines de millions de gens et introduire les dislocations dans les mentalités, les économies et les sociétés. Les Arabes recommandaient de «ne jamais donner de pierre à son voisin lorsqu'on habite une maison de verre».
Bien entendu, le débat entre partisans d'un coup d'Etat constitutionnel et d'un respect intégral du vote populaire est ouvert, si on fait abstraction des fractures, des troubles et des crises qui ne vont pas épargner le Brésil dont la forfaiture ou l'ambition et l'irresponsabilité de son vice-président et de sa classe politique ne font qu'exacerber. Au-delà des considérations politiques, philosophiques et géostratégiques, la question morale et humaine est lancinante : peut-on confier aux politiciens ce qui relève de l'éthique, du droit et de la justice, ici, en l'occurrence, la corruption ? La véritable démocratie à venir est celle qui soustraira le juge des autres pouvoirs. Comment avoir une justice au-dessus de la politique si le magistrat suprême n'est pas nommé par le peuple ou, du moins, par ses pairs ? Dans ce dernier cas, comment valider et reconnaître le grand juge ou la haute magistrature indépendante lorsque les magistrats sont corrompus et de vils servants des flics et des pouvoirs politiques et économiques ? Nous ne pouvons pas réaliser de grands projets d'émancipation de l'impérialisme et du capitalisme si nous restons otages de ses modèles institutionnels et de ses principes.
C'est dans les moments difficiles que la vérité et la réalité doivent s'imposer contre l'esprit partisan pour que notre esprit ne devienne pas otage des manipulations cyniques.
Omar Mazri
Auteur et écrivain