Agitation politico-médiatique, impassibilité du général Toufik et démission de la justice
Le retour au pays de Chakib Khelil, dont le nom était cité à plusieurs reprises dans l’affaire Sonatrach, mais qui semble en sortir maintenant «innocent», son intrusion dans les zaouïas – tellement inattendue qu’elle a désarçonné ses adversaires –, suivis, comme une riposte, par l’irruption dans le paysage politico-médiatique du richissime homme d’affaires Issad Rebrab, que personne encore ne traite d’«oligarque», ont conduit à un bouillonnement qui se limite pour le moment aux microcosmes habituels et qui rappelle, curieusement, l’agitation fébrile qui avait précédé l’élection à la présidence, en avril 2004, pour un deuxième mandat, de Bouteflika. La même artillerie médiatique est actionnée avec la différence, cette fois, que le clan présidentiel s’est doté, sur ce «front», d’un puissant instrument qu’est Ennahar,avec ses supports papier et audiovisuels. D’autres bouleversements dans la scène politique et médiatique ont eu lieu depuis, accélérés ces derniers mois, mais l’enjeu reste le même : le pouvoir, rien que le pouvoir, que les uns veulent garder et les autres s’accaparer. Pour en faire quoi ? Visiblement, dans le même but, en tirer les avantages pour les «clientèles». Où est l’intérêt du pays dans tout ça et où sont les intérêts des populations ? Nulle part dans cette bataille politico-médiatique autour de deux personnalités issues du même système : Chakib Khelil et Issad Rebrab, subitement séparés par la course au pouvoir et qui se trouvent placés dans des clans opposés. Derrière le rideau, les «stratèges» des deux clans élaborent les plans d’attaque et préparent les mises en scène des acteurs et figurants, comme dans un feuilleton estival, mais celui-ci ne tient en haleine au fil de ses épisodes et de ses péripéties que le microcosme qui passe son temps à en discuter et à spéculer pour tenter d’anticiper sur l’épilogue. Les tiraillements entre pouvoir et Rebrab ont provoqué une avalanche de faits qui déboulent dans l’actualité comme ceux portés par les propos gravissimes de Saïdani hier, et par la réaction des médias partie prenante dans le conflit pouvoir-«opposition» – entre guillemets parce qu’il s’agit d’un champ de plus en plus difficile à définir, à cerner – (El-Khabar, Liberté, El-Watand'un côté, Ennahar de l'autre), accompagnés par le silence assourdissant d'une justice absente, par l'étrange «retenue» de Khelil malgré les lourdes accusations dont il fait objet, le «stoïcisme» du général Toufik, lui aussi malmené… Fausse indifférence ? On comprend alors pourquoi les gens «ordinaires» ne montrent pas de signes qui indiquent une quelconque attention portée au déballage des uns et des autres, et encore moins une prise de position. Leurs oreilles sont tendues vers les annonces qui touchent au logement, à l’Ansej, au pouvoir d’achat (une veille de Ramadhan), aux conditions de déroulement des examens de fin d’année, à la création des emplois. Leurs inquiétudes concernent les retombées de la crise liée à la chute drastique des revenus pétroliers du fait d’une baisse des prix sur le marché international. Les couches moyennes et catégories les plus défavorisées ne veulent pas être les seules à en supporter les douloureux impacts sociaux. On comprend aussi pourquoi, cette bataille médiatique est vue comme une tentative de faire diversion sur ce qui est considéré comme les vrais problèmes par des forces politiques en apparence «neutres» dans ce conflit qui oppose des pro- et des anti quelqu’un ou quelque chose. Les rumeurs et la désinformation ne sont pas absentes et faussent tout jugement que voudraient porter les observateurs sur ce qui se passe. Les communiqués du ministère de la Défense nationale sur la neutralisation de terroristes et les saisies impressionnantes d’armes rappellent, à ceux qui pourraient l’oublier, dans quelle situation sécuritaire se passent ces joutes médiatiques. Le plus ahurissant est d’apprendre que le conflit mettrait, en fait, en présence deux puissances occidentales, la France et les Etats-Unis, qui se disputeraient, par Algériens interposés, notre pays vu comme une vache à traire. Enfin, les plus naïfs tournent leurs regards vers l’appareil judiciaire auquel a été donné le rôle d’acteur principal. Le risque est que le grand perdant dans cette histoire, ce soit la justice, cantonnée au traitement des conflits conjugaux et aux larcins. Quant à la corruption, il faut rappeler qu’elle n’est pas née hier, sortie du néant. La corruption a commencé à devenir systémique depuis une trentaine d’années, au milieu des années 1980, à partir de ce qui a été appelé «ouverture de l’économie», puis s’est développée à mesure que la cupidité a mis son rouleau compresseur en route.
Houari Achouri