Quel gâchis !
Par Rabah Toubal – L'un après l'autre, les acquis politiques et sociaux résultant du soulèvement populaire du 5 octobre 1988, injustement qualifié d'«émeutes de la semoule» ou de «chahut de gamins», ont été vidés de leur charge politique par un pouvoir, adepte invétéré du statu quo, de l'immobilisme et de la régression généralisée. Les partis politiques de l'opposition, la société civile et les médias indépendants, notamment, ont ressenti ce recul comme une humiliation et un déni de droits arrachés de haute lutte par les travailleurs algériens, depuis l'indépendance, et déplorent l'entrave à leurs activités, déjà réduites à leur plus simple expression, par une armada de textes législatifs et réglementaires. Aujourd'hui, cette dérive dictatoriale frappe frontalement l'Armée nationale populaire, à travers le projet de loi visant à interdire aux officiers supérieurs de l'ANP à la retraite d'exprimer des opinions politiques et les soumettant à une obligation de réserve humiliante qui tue en eux tout intérêt pour la vie politique, économique et sociale de la nation dont ils font partie intégrante. Quel de gâchis ! Que de temps perdu depuis octobre 1988 ou même depuis le Printemps berbère de 1980 ou le printemps noir de 2001. Imaginez un peu que les «évènements» d'octobre 1988 eussent abouti, comme sous d'autres cieux dirigés par des gens moins cupides et obstinés, à une véritable révolution politique et sociale. Elle aurait transformé fondamentalement le visage de l'Algérie. Les dirigeants représentatifs que nous aurions eus, auraient, par la force des choses, suivi une autre politique économique et sociale, qui aurait été bien meilleure que celle, exclusivement fondée sur les monopoles et l'exclusion, qui a été longtemps privilégiée et qui a mené le pays à la ruine économique et à l'impasse politique et sociale. Ils nous auraient sûrement évité la tragédie des années 1990 et son lot de victimes et de destructions, car le FIS n'aurait pas trouvé le bouillon de culture et le marécage social qui l'ont enfanté et lui ont permis d'évoluer. De plus, au lieu d'être les traînards et les abonnés absents au développement économique et social et à la modernisation, que nous sommes devenus, nous aurions été des pionniers, dans les réformes politiques et économiques, bien avant la Chine et l'ensemble des pays du bloc soviétique auquel l'Algérie, non alignée, était assimilée malgré elle. Enfin, au lieu d'avoir des figures antédiluviennes à la tête des institutions de la République, nous aurions eu des dirigeants jeunes, compétents et honnêtes, comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Espagne, au Portugal, en Russie et même en Chine. Hélas !, mille fois hélas !, les rêves de l'automne 1988 et des printemps de 1980 et de 2001 ont été trahis et assassinés.
R. T.
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