Italie : le coup de semonce des populistes
Le Mouvement italien «Cinq étoiles» (M5S), fondé par le fantasque Beppe Grillo – humoriste reconverti en politique – pavoise. Sa candidate, Virginia Raggi, est arrivée en tête du premier tour des municipales à Rome, dimanche 5 juin, avec plus de 35,37% des voix, devant le parti de Matteo Renzi, président du Conseil, qui plafonne à 24,87%. Elle est quasiment assurée de l’emporter le 19 juin prochain, date du second tour. La presse européenne unanime y voit l’arrivée tonitruante d’une jeune femme (37 ans) à la tête de la capitale et salut un événement qualifié d’historique. «Je rendrai à Rome sa splendeur», a promis la candidate à une majorité d’électeurs qui s’est détournée des partis traditionnels. Formation à la composante hétéroclite et au discours truffé de contradictions, M5S surfe, en réalité, sur le délabrement des services publics de la ville, la prolifération des pratiques mafieuses et la généralisation de la corruption. Sa percée marque le net recul de Renzi, le «ferrailleur» venu en 2014 secouer une gauche vieillissante et qui s’est empressé de lancer une refonte du droit du travail, faisant la part belle au patronat. La formule du «jobs act», adoptée l’an dernier et supposée garantir aux salariés une protection croissante sous contrat à durée indéterminée (CDI), offre surtout à leurs patrons l’avantage de les licencier à tout moment et pour tout motif, sauf s’il s’agit d’une discrimination. La victoire largement annoncée de la candidate du M5S fait aussi – et surtout – écho à la montée des populistes en Europe. Partout, ces derniers engrangent des succès à la faveur des politiques antisociales et du désenchantement de l’électorat populaire devant l’absence de véritables alternatives à gauche. Partout, ils agitent également le spectre de l’envahissement par des étrangers, quand l’Europe dresse de forteresses devant les vagues de réfugiés qui périssent en mer par milliers. Les populistes ont assurément le vent en poupe sur le Vieux Continent. Leur victoire à Rome est un coup de semonce.
Nadjib Touaibia