L’auto-satisfecit du pouvoir ou quand les médiocres sont décorés de l’Ordre du mérite au nom de la nation
Quels services éminents ont été rendus au pays par Abdelmadjid Tebboune dans sa triple fonction de ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, et par Abdelkader Zoukh, comme wali d’Alger, pour se voir remettre la décoration de l’Ordre du mérite national ? A cette question, que chacun se pose légitimement, on nous répond que l’un est distingué pour «son parcours et sa gestion du secteur de l’habitat» et l’autre pour «sa gestion des affaires de la capitale». Quand on regarde la réalité, on ne trouve pas de quoi mériter la plus petite médaille : pour l’un, à son «actif» le programme AADL en souffrance depuis quinze ans, la construction de la Mosquée d’Alger confiée de toute façon à des ingénieurs allemands et à des ouvriers chinois (auxquels, éventuellement, pourraient revenir ces décorations), la poursuite de la construction de cités-dortoirs hideuses et véritables bombes à retardement. Quant à l’autre, il a eu le «mérite» de transformer la capitale en une décharge à ciel ouvert qui en fait peut-être la ville la plus sale du monde, de gérer l’aménagement de la Sablette qui traîne en longueur et qui commence à «vieillir» avant même que le projet soit achevé, d’avoir planté des palmiers qui se meurent et placé des tourniquets le long de l’autoroute qui arrosent le bitume plus que le gazon épars et jaunissant… Voilà donc la réalité ! Mais non, ce qui est retenu, c’est ce que l’on voit à la télévision publique : les quantités de logements construits mis sur le compte de Tebboune, et les fêtes organisées par Zoukh à l’occasion de leur distribution dans la lointaine périphérie de la capitale. La crise du logement est-elle résolue pour autant ? Non, reconnaît Tebboune lui-même, mais c’est secondaire. Alger est-elle devenue une ville «vivable» grâce aux «réalisations enregistrées», pour reprendre les termes de l’auto-satisfecit officiel ? La réponse est évidente, mais le wali n’en dit mot. La capitale algérienne occupe depuis plusieurs années les dernières places dans l’index de «vivabilité», autrement dit Alger dispose des pires conditions de vie et ce ne sont pas les Algérois qui démentiront ce classement, eux qui sont confrontés aux difficultés quotidiennes dans tout ce qu’ils font du matin au soir. Et qui d’autre que le wali en est responsable ? C’est comme si le droit à la qualité de vie n’était pas reconnu aux habitants de la capitale et, plus largement, aux Algériens. On comprend alors qu’il suffit de faire passer les gens qui vivent dans une cave ou dans une baraque sur une terrasse vers un logement tout juste décent, dans des cités nouvelles et qui posent déjà des problèmes, pour que cette action soit considérée comme un «service éminent» rendu au pays. Les autres membres du gouvernement et les autres walis, qu’ont-ils à envier à de telles «performances» ? La proximité immédiate de cette cérémonie avec le remaniement du gouvernement qui a poussé à la porte cinq ministres suggère une lecture concernant le comportement que doivent avoir les «commis de l’Etat» pour avoir le privilège de la décoration de l’Ordre du mérite national. Il faut copier sur Tebboune et sur Zoukh, mettre en scène des Algériens «heureux» et faire le silence sur les autres, bien plus nombreux, qui attendent avec une patience qui leur ferait mériter une distinction nationale.
Houari Achouri
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