Sofiane Djilali à Algeriepatriotique : «J’ai démissionné de la CLTD car elle a atteint ses limites»
Algeriepatriotique : Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre votre décision de vous retirer de la CLTD, à ce moment précis, alors que rien ne présageait une telle attitude il y a encore quelques semaines ?
Sofiane Djilali : Notre décision a été mûrement réfléchie. J’ai eu à interpeller à plusieurs reprises les membres de la CLTD, mais, apparemment, ils n’avaient pas pris la mesure de ma détermination. Pour revenir sur le fond, il y a un élément structurel et un autre conjoncturel. Ces derniers mois, il était évident pour moi que nous avions atteint nos limites. On ne pouvait plus avancer plus loin. Cela ne dépend pas de la bonne foi des membres, mais de la nature même du groupe. Nos rencontres devenaient stériles et commençaient à perdre tout crédit aux yeux de l’opinion publique. Jil Jadid avait fait plusieurs propositions, mais, à chaque fois, elles étaient refusées : engagement pour décider collectivement de la participation ou non aux élections, éventuellement et en cas de participation aux élections d’établir des listes communes, à ne pas négocier en solo, à préparer un programme commun comme alternative, à ouvrir le dossier de la Constitution «idéale» pour l’opposition… Toutes ces propositions étaient refusées a priori au nom de la souveraineté des instances des partis politiques.
J’ai clairement proposé, alors, qu’on réfléchisse à l’avenir de la CLTD, puisque nous ne pouvions aller vers une convergence d’avenir. Si nous devions seulement critiquer le pouvoir, cela faisait un peu court.
Sur ces entrefaites, les élections de 2017 s’approchant, je vois fleurir le discours insistant sur un «gouvernement d’union nationale». Cela suppose que les élections se sont déroulées, que tout le monde était satisfait des résultats et qu’un programme de travail était posé.
Jil Jadid ne peut partager cette stratégie. Pour nous, nous sommes là pour aider le pouvoir à partir, pas pour discuter une participation au gouvernement. Bien entendu et au final, chacun est libre de ses positions.
Vous reprochez à certains membres de la coordination de vouloir tisser des canaux de dialogue ou d’alliance avec le pouvoir. Vous désignez quels partis ?
Mon constat est plutôt que les membres de la CLTD n’ont pas pu s’engager à ne pas négocier seuls avec le pouvoir. Puisque chacun veut être libre de ses mouvements, et c’est leur droit absolu, je respecte ce choix. Mais je ne peux pas, moi, faire dans le discours radical et me laisser emporter par un groupe qui pense autrement. Cela nuit à la cohésion de notre action et crée des confusions dans l’opinion publique. Si je ne me démarque pas aujourd’hui de ces positions, je devrai endosser la participation à un gouvernement d’union nationale. Cela est impossible.
Dans la plateforme dite de Mazafran, vous n’avez pas tranché la question de la participation aux élections. Pourtant, c’est un indice révélateur de l’engagement des membres de la CLTD…
Pour nous, la question des élections n’était pas centrale. Il fallait créer un contre-pouvoir avec une opposition revendicative. Cela s’est fait et nous en sommes fiers à Jil Jadid. La CLTD et la conférence de Mazafran ont été un moment très fort. Maintenant, il faut savoir dépasser les situations. Nous ne pouvons pas continuer à critiquer sans offrir une vraie alternative au pays. Les Algériens ont compris que ce régime doit partir, mais ils ont besoin de savoir ce que peut proposer l’opposition. Quant aux élections, elles auraient dû venir comme un couronnement d’un processus de transition politique. Or, si elles ne doivent être que la même répétition que par le passé, en quoi cela serait-il utile au pays et à la démocratie ?
Aucune action commune n’a été organisée depuis la deuxième conférence de l’opposition. Peut-on parler d’un échec de cette conférence ?
Non, il n’y a pas d’échec de cette conférence. Il faut séparer la CLTD de l’ICSO. Cette dernière est une instance plus large de l’opposition. Elle devra assumer son rôle. A l’ICSO, il s’agit de consultations entre les partis pas une coalition ou une alliance.
Après votre retrait, comment comptez-vous poursuivre votre action ? Allez-vous vous allier avec d’autres partis ?
Notre programme est simple. Revenir encore et encore vers le peuple. Nous faisons un gros travail de proximité, bien qu’il ne soit pas couvert par la presse. Par ailleurs, dès la rentrée, je présenterai à l’opinion publique le projet de société que défend Jil Jadid. Maintenant et plus que jamais, il faut encourager le travail collectif. Nous avions déjà fait appel aux membres de la société civile, aux personnalités et, bien entendu, à des partis politiques pour réfléchir ensemble à constituer un vrai courant démocratique.
Que vous inspire la vie politique nationale, à la lumière des derniers développements : les sorties médiatiques de Saïdani, Chakib Khelil, l’affaire El-Khabar… ?
Sincèrement, je pense qu’il s’agit là de symptômes d’un régime en pleine décadence. Les symboles en sont ces personnages. L’affaire El-Khabar, la loi de mise au silence des officiers supérieurs en retraite ou la future loi électorale, qui serait l’instrument de la mise à mort du multipartisme, sont des dérives graves d’un système à bout de souffle. Mais, gageons qu’après avoir atteint le fond et continué à creuser comme le dit notre humoriste national, l’Algérie retrouvera un nouvel élan. Ce régime est définitivement condamné. C’est aux nouvelles générations maintenant de prendre leur responsabilité.
Interview réalisée par R. Mahmoudi