Quel avenir pour le système de retraite en Algérie ?
Par Abderrahmane Mebtoul – Comme la valeur de la monnaie, le dinar, le taux d’emploi est fonction directement et indirectement, à plus de 70% via la dépense publique, de la rente des hydrocarbures, qui représente avec les dérivées plus de 97% des exportations en devises et est à l’origine de l’essentiel de nos réserves de change. De ce fait, tenant compte de la structure démographique et d’une économie rentière, l’alimentation des caisses de retraite en est dépendante. C’est un sujet très sensible d’où l’importance d’une transparence dans les décisions et surtout d’un dialogue social soutenu. Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé trente-deux années d’activité peut, s’il en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l’âge de départ légal de 60 ans. Selon les chiffres de la Caisse nationale de retraite, 246 503 Algériens bénéficiaient de cette retraite sans condition d’âge, sur un total de 1 740 281 allocataires au 31 décembre 2015. Ainsi, l’assurance vieillesse algérienne prévoit d’autres exceptions au départ à 60 ans, comme les personnes âgées de plus de 50 ans avec 20 ans d’activité qui peuvent bénéficier d’une «retraite proportionnelle», ou les femmes qui peuvent faire la demande de leur retraite à 55 ans. Le montant de la pension de retraite en Algérie ne peut être inférieur à 75% du salaire national minimum garanti (18 000 DA par mois depuis le 1er janvier 2012). Il y a exception pour les hauts cadres de l’Etat qui ont une retraite à 100% après 10 ans de décret et beaucoup moins pour les ministres. Selon les données gouvernementales, la CNR verse, chaque année, 770 milliards de dinars sous forme de pensions dont plus de 50% ont quitté leur emploi avant l’âge de 60 ans. L’assiette de calcul pour la pension de retraite en Algérie est basée sur les cinq dernières années ou sur les cinq meilleures années. Selon des sources proches du ministère du Travail, les versements annuels de la CNR en 2015 atteignent approximativement 2 700 000 bénéficiaires de pension et d’allocation de retraite, et de pension et d’allocation de réversion, 1 700 000 retraités qui bénéficient de pension et d’allocation, et le un million restant concerne les réversions, c’est-à-dire les bénéficiaires post-décès de ce genre d’avantages. Le décret exécutif relatif aux non-salariés exerçant pour leur propre compte et affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos) ne prévoit aucun changement, s’agissant de l’âge de départ à la retraite pour cette catégorie de travailleurs. L’article 9 du décret exécutif n°15-289 du 14 novembre 2015 stipule que sans préjudice des dispositions des articles 8 et 21 de la loi 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite, l’âge donnant droit à la pension de retraite est de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes. L’assiette servant de base au calcul de la pension de retraite est constituée par la moyenne calculée des assiettes de cotisation des dix meilleures années. Et toujours selon ce décret, la personne non salariée exerçant une activité pour son compte et n’ayant pas réuni «les conditions de travail et de cotisation exigées par la réglementation et la législation en vigueur peut bénéficier d’une validation d’années d’assurance dans la limite de cinq ans, en contrepartie du versement de cotisations de rachat».
L’avenir de la pérennité des caisses de retraite est lié à un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, dont les sous-segments sont une nouvelle politique de l’emploi, de la gestion de la sécurité sociale et de la fiscalité. En ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l’emploi, c’est-à-dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi s’agit-il de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations. Dans le cadre de l’amélioration de la qualité qui s’est nettement détériorée, il est souhaitable une décentralisation de la gestion de l’éducation d’une manière globale afin de faire jouer la concurrence régionale et son adaptation aux besoins de la société, avec quatre grands pôles d’excellence et éviter ce mythe d’une université par wilaya. Le deuxième axe de la cohésion sociale est celui d’une nouvelle gestion de la sécurité sociale. Le financement de la protection sociale continue à être assis pour l’essentiel sur les cotisations sociales. Il absorbe les gains de productivité au détriment de l’emploi et des salaires directs, car force est de reconnaître qu’avec la baisse de la salarisation due à l’accroissement du chômage, cela pèse sur le compte de la sécurité sociale et par la présence à la fois des dépenses de transfert et leur mode de financement, le déficit étant couvert par des prêts à moyen terme qui sont supportés sur les générations futures. Aussi, la pérennité du système risque d’être menacée à moyen terme et nécessite de profondes réformes structurelles. En cas de chute brutale des cours du pétrole et si la panne dans le développement persiste, l’on doit réfléchir par des mesures pérennes et non conjoncturelles. D’une manière générale, la notion d’équité a changé et l’accès à l’emploi doit être une priorité, car la protection sociale actuelle accroît le chômage. Donc, ce n’est pas un changement d’assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes, mais dans la maîtrise de la dépense aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n’est pas celui nécessairement celui qui finance, et cela n’est pas neutre pour l’activité productive. Aussi, l’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, supposant des enquêtes ciblées sur le terrain. Quant au système fiscal, le niveau de l’impôt direct dans une société mesurant le degré d’adhésion de la population, il y a urgence d’une nouvelle politique, car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Mais l’impôt peut tuer l’impôt, car il modifie l’allocation des ressources réalisée, notamment l’offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Je déplore qu’aucune enquête précise quantifiée dans le temps ne mette en relief les liens entre la répartition du revenu national entre les couches sociales, l’évolution du processus inflationniste et le modèle de consommation, information indispensable pour la mise en place d’un système fiscal «juste». Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges.
A. M.
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