Deux adjoints de l’Emir Abdelkader oubliés à Toulon
Par Abdelkader Ben Brik – Deux grands martyrs de l’Algérie combattante, oubliés et abandonnés à Toulon, en France. Il s’agit de Fendi Abdellah Ould Sidi Slimane Bousmaha, chef d’état-major de la résistance algérienne au temps de l’Emir Abdelkader et son adjoint, Amar Leqbayli, deux grandes figures de la résistance, demeurent dans les oubliettes, ou plutôt complètement ignorés par les Algériens, que ce soient les instances officielles ou les organisations et partis tels l’ONM et le FLN entre autres.
L’histoire de nos deux héros de l’armée algérienne remonte au 5 juillet 1830, date de l’agression de la France coloniale qui débarqua ses soldats sur la côte de Sidi-Fredj, à Alger. La fuite des Ottomans a mis les Algériens en alerte, pour défendre leur patrie de cette occupation française. L’Emir Abdelkader organisa la défense à travers son chef d’état-major Fendi Abdellah et son adjoint Amar Leqbayli.
Ces deux combattants à la tête d’une armée dont le gros de la troupe, constituée de l’Ouest du pays et de la Kabylie, ont donné du fil à retordre aux forces coloniales. Les généraux français, dans leurs différents rapports, ont reconnus l’héroïsme des Algériens et la défaite des troupes françaises dans plusieurs opérations. La dernière bataille eut lieu en Oranie, la bataille de la Macta, dans laquelle les troupes d’occupation perdirent plus de 800 hommes et eurent de nombreux des blessés dans leurs rangs. Lors de cette bataille, Fendi Abdellah, blessé, et son adjoint Amar Leqbayli furent faits prisonniers. Les deux combattants seront transférés en France, jugés et condamnés. Fendi Abdallah écopa de la peine capitale et son adjoint fut condamné à la perpétuité. Fendi Abdellah fut exécuté en 1872 à Toulon. En apprenant l’exécution de son compagnon d’armes, le combattant Amar Leqbayli se donna la mort.
Avant cette bataille, un document précisait que Fendi Abdellah avait demandé l’aide du roi du Maroc, mais ce dernier rejeta sa demande et ne prêta aucune assistance ni aide aux combattants algériens.
Fendi Abdellah et son adjoint Amar Leqbayli, deux héros nationaux peu connus et qui se sont sacrifiés pour la patrie, demeurent oubliés. Ils ne sont jamais cités à l’occasion des festivités nationales, par ignorance d’une partie de notre histoire.
Ces deux martyrs de l’Algérie combattante, reposent dans une des cimetières du bagne de Toulon et n’ont jamais fait l’objet de recherches ou d’une demande de transfert de leurs ossements vers leur patrie. Leur histoire est longue. Nos modestes recherches depuis 1986, n’ont abouti qu’à une infime partie documentée de leur parcours héroïque. Selon les documents officiels consultés, Fendi Abdallah Ould Sidi Souleimane Bousmaha fut le chef suprême de l’armée algérienne au temps de l’Emir Abdelkader. Amar Leqbayli, quant à lui, rejoignit l’Emir Abdelkader à la tête d’une importante troupe de combattants venus de Kabylie. Selon les documents officiels, Fendi Abdallah, né à Saint-Louis, actuelle Boufatis, à une trentaine de kilomètres à l’est d’Oran, est le frère de lait de l’Emir Abdelkader. Il organisa la défense armée de l’Algérie et devint chef d’état-major de l’armée. Les deux hommes ont combattu côte à côte contre l’invasion française à partir du 3 juillet 1830.
Pour pouvoir entraîner son armée, Fendi Abdallah et son adjoint ont créèrent plusieurs institutions à travers le territoire algérien. A Constantine, l’ancien jardin du Bey fut transformé en caserne militaire. Fendi Abdallah n’hésita pas à acquérir avec son propre argent une grande terre dans la commune de Boufatis, appelée à nos jours terres de Moulay Smaïn. C’est sur ce terrain qu’eut lieu la célèbre bataille d’El-Macta qui dura deux jours.
Les archives françaises évoquent ce héros en ces termes : «Fendi Abdallah, chef d’une armée rebelle, fondateur et chef d’état-major de l’armée de l’Emir Abdelkader, né à Le Grand, il défendit l’Algérie contre les Français sous les ordres de l’Emir Abdelkader de 1812 à 1847. Il voulait exterminer les Français. Après l’arrestation de l’Emir, il souleva une deuxième armée contre le général De Lamoricière entre 1847 et 1849, puis contribua à la défaite de l’armée française. Le général lui-même échappa à plusieurs attentats. Il avait anéanti la planification militaire en Algérie et jeta le trouble à l’intérieur des officiers du général de Lamoricière. Fin 1849, il demanda de l’aide au roi marocain, mais celui-ci avait culbuté sa demande. Blessé et arrêté avec son lieutenant Amar le Kabyle à El-Macta, interné à Versailles (…) condamné à mort, après le 1er prairial, il fut exécuté sur ordre militaire à Toulon. Amar le Kabyle se donna la mort en apprenant l’exécution de son chef».
Après la mort des deux chefs militaires algériens, le fils de Fendi, Abdelkader, reprit la lutte et fut rejoint par beaucoup de combattants venus en renfort de Kabylie. Mais, hélas !, sans aucune aide extérieure. Les Marocains avaient combiné avec les colonialistes français afin de maintenir un siège à la frontière ouest. Fendi Abdelkader fut arrêté, jugé et condamné à mort à l’âge de 31 ans. Son fils, Mohamed Fendi, fut membre de l’ALN à Oran. Il avait pour mission le recrutement de combattants. Il fut Mohamed arrêté par les autorités d’occupation le 14 février 1954, jugé et condamné à mort. IL sera exécuté le 20 décembre 1955, dans le secret le plus absolu, laissant un fils unique, Lakhdar Fendi, qui rejoint l’ALN en 1957 après avoir exécuté plusieurs opérations dans la région d’Oran et à Sidi Bel Abbes. Il fut à son tour arrêté à Oran et sera torturé au 2e bureau par un harki.
Abdelkader Ben Brik
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