La remise en cause de l’Etat social (I)
Par Noureddine Bouderba – Ces derniers temps, on assiste à un discours récurrent qui vise à convaincre les Algériens que la rente pétrolière s’amenuise et que faute de ressources, l’Etat n’est plus en mesure de poursuivre la politique sociale qui a prévalu à ce jour. L’austérité a été inaugurée par la LFC 2015 et la LF 2016 afin de faire face à la chute des prix du pétrole et continuer ainsi à financer les cadeaux fiscaux octroyés généreusement au patronat face à la chute des prix de pétrole. Après la dévaluation du dinar, les augmentations des prix, la montée du chômage et la baisse des salaires réels, le gouvernement maintient son projet d’éliminer les transferts sociaux et les subventions pour les remplacer par des aides dérisoires ciblant les plus pauvres des pauvres pour contenir l’extrême pauvreté et protéger l’ensemble de la société contre les fléaux qui peuvent en découler. D’autres augmentations des prix sont annoncées aux Algériens qui doivent se préparer à des réformes douloureuses. Les nations pour dépasser les crises conjoncturelles ont besoin d’unité et de cohésion cimentées par une politique consensuelle qui assure les équilibres entre les intérêts des différents groupes sociaux, et qui préserve les plus fragiles et les plus vulnérables d’entre en éliminant la pauvreté et en réduisant les inégalités. Or, il n’en est rien chez nous, la loi de finances 2016 et l’austérité qui l’a accompagnée, la nouvelle Constitution qui a consacré le néolibéralisme comme option irréversible et le projet de loi sur l’investissement qui va couronner les efforts des nouveaux riches pour accaparer les ressources du pays. Les privatisations et dilapidations du patrimoine public et les exonérations fiscales et sociales sans contreparties sont maintenues dans la feuille de route. Le train de vie de l’Etat et de la nomenklatura ne semble pas souffrir de la crise et des projets non prioritaires (à l’exemple de la Grande mosquée d’Alger) ont été maintenus au détriment de projets sociaux vitaux à l’image des cinq hôpitaux qui ont été gelés autant dire supprimés. Cette offensive néolibérale contre les acquis sociaux des Algériens n’a rien à voir avec les prix du pétrole, puisqu’elle a précédé leur chute. Et les résultats des mesures d’austérité et autres réformes en chantier n’auront rien de conjoncturel, puisque ces dernières s’inscrivent dans le cadre de l’avènement d’un nouveau contrat social pour reprendre un terme très cher à la Banque mondiale et au FMI. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un nouveau projet de société qui remettra en cause l’Etat social inscrit dans la proclamation du 1er novembre 1954. Le débat réel que soulèvent cette austérité et ces réformes annoncées, loin d’être d’ordre technique ou comptable, concerne des choix fondamentaux : doit-on consacrer plus de richesses à la satisfaction des besoins des populations en matière de santé et d’éducation ? Doit-on impulser des politiques volontaristes en faveur de l’investissement productif créateur de richesses et générateur d’emplois durables ou doit-on accepter que l’emploi, les salaires et les pensions de retraite soient des «variables d’ajustement» au profit de l’accumulation du capital pour les nouveaux riches qui se comptent par milliers pour qu’ils aillent investir leurs milliards de profit en Espagne et dans d’autres paradis fiscaux ? Doit-on continuer à baisser le taux de mortalité des différents groupes d’âge de la population et allonger l’espérance de vie en bonne santé des Algériens en investissant davantage dans la prévention sanitaire et en rendant les soins accessibles à tous ou accepter une politique de la santé à deux vitesses caractérisée par l’inégalité devant la maladie et la marchandisation des soins ? Accepter de faire basculer vers le charlatanisme l’Algérien lambda au moment où la nomenklatura va se soigner à l’étranger pour le moindre malaise ou dans les cliniques privées en Algérie avec l’argent de la sécurité sociale ? Doit-on maintenir l’effort d’assurer l’enseignement gratuit et accessible à tous et dans tous les paliers tout en améliorant sa qualité, ce qui n’est possible que si des ressources suffisantes son mobilisées pour construire davantage d’écoles et de classes, et de recruter et de former davantage d’enseignants pour accueillir toute la population juvénile avec la natalité qui s’envole de nouveau en Algérie ? Ou doit-on accepter un système d’enseignement à deux vitesses avec la privatisation et la marchandisation de l’éducation et du savoir. Après les écoles privées, les bourses à l’étranger et les écoles spécialisées supérieures privées, voilà que les nouveaux riches ambitionnent la mise en place d’universités privées pour, sans la mélanger avec les enfants du peuple, préparer leur progéniture à prendre les leviers de commande économique et politique demain. Doit-on aller vers plus de sécurité économique, professionnelle et sociale ou se résigner à la flexibilité et la précarité qui découleront inévitablement de l’avant-projet du Code du travail s’il est adopté dans sa mouture actuelle ? Doit-on consolider le système de sécurité sociale basée sur la solidarité et la répartition qui est l’une des plus belles réalisations de l’Algérie indépendante ou faut-il se résigner à une grande insécurité sociale dont la suppression de la retraite avant l’âge de 60 ans n’est que l’indice précurseur ? Enfin, doit-on continuer à améliorer le pouvoir d’achat des Algériens à l’aide d’une politique de redistribution à travers les transferts sociaux pour ne pas les priver d’énergie et permettre aux plus démunis d’entre eux d’avoir accès au logement ? Continuer à soutenir les prix de large consommation pour protéger le niveau de vie des Algériens vu que les prix internationaux sont hors de portée de leurs revenus ? Ou faut-il priver une grande partie des Algériens des bienfaits du développement ? L’offensive néolibérale à laquelle on assiste n’épargne aucun secteur social et la raréfaction des ressources n’est qu’un prétexte, le véritable enjeu, quels que soient les prix du pétrole, est de savoir au profit de qui sont affectées les ressources du pays et comment sont réparties les richesses créées. Le premier rapport du Pnud publié en 1990 soulignait qu’«avec un revenu moyen par habitant de seulement 400 dollars, le Sri Lanka a atteint une espérance de vie de 71 ans et un taux d’alphabétisation des adultes de 87%, alors qu’en Arabie Saoudite, où le revenu par habitant (6 200 dollars soit 15,5 fois celui du Sri Lanka) l’espérance de vie ne dépasse pas 64 ans et le taux d’alphabétisation des adultes est estimé à 55%». Toujours dans le même ordre d’idée, selon le dernier rapport du Pnud (2015), «Cuba a un RNB par habitant (7 301 dollars en 2011) qui représente moins de la moitié de celui du Mexique (16 056 dollars en 2011) ou de la Turquie (18 677 dollars en 2011), mais avec un IDH meilleur, Cuba se classe au 67e rang mondial supplantant ces deux pays (classés respectivement 72e et 74e). Et cela grâce à sa politique dans le domaine de la santé et de l’éducation. Un Cubain a une espérance de vie à la naissance de 79,4 ans supérieure à celle d’un Mexicain (76,8 ans) ou d’un Turc (75,3 ans) et une durée attendue de scolarisation nettement supérieure aussi (11,5 ans contre respectivement 8,47 et 7,56 ans)». Dans ce rapport 2015, le Pnud a classé l’Algérie au 83e rang mondial contre la 93e place selon le rapport de 2014. La presse a largement fait écho d’une performance exceptionnelle (amélioration de 10 points au classement en une année), affirmant même que l’Algérie a rejoint le peloton des pays développés. Lors d’un récent débat télévisé, un représentant de Nabni avait soutenu, avec force, qu’il n’y avait pas de recul en Algérie en matière de redistribution qui est le seul domaine où l’Algérie est classée au top 10 par le Pnud en termes de développement humain. Sans vouloir sous-estimer les avancées enregistrées par l’Algérie sur le plan social sur toute la période nous séparant de la date d’indépendance, il serait très utile de faire une lecture critique et nuancée de ces avancées et non de s’auto-congratuler. Car l’objectif de pareils rapports et pareilles comparaisons internationales est de voir dans quelle mesure la croissance économique, mesurée par le RNB/habitant s’est traduite en développement humain et d’aider éventuellement à la prise de décisions de correction qui s’imposent. A ce sujet, les comptes-rendus médiatiques du rapport du Pnud 2015 appellent de notre part deux remarques importantes : le PNUD recommande de ne pas comparer les résultats des différents rapports, mais d’utiliser les données cohérentes fournies dans le dernier rapport. Ce dernier à partir des séries de données cohérentes établit un nouveau classement des pays pour les années précédentes. Ainsi, la modification du classement entre 2014 et 2015 (+ 10 places) ne résulte pas de changements spectaculaires sur le plan des performances en l’espace d’un an, mais est le fruit justement de cette actualisation. Selon cette dernière, l’Algérie occupe le 83e rang depuis 2011, exactement le même rang que celui de 2015.
Il est vrai que le Pnud, dans son rapport 2010, avait noté à juste titre que «l’Algérie est le 9e pays au monde ayant amélioré le plus rapidement l’IDH». Mais ceux qui y font référence oublient de nous préciser sur quelle période est mesurée cette performance, laissant entendre qu’elle est le fruit exclusif de la politique actuelle alors qu’en réalité elle couvre la période 1970-2010 soit 40 ans.
Or, l’Algérie ne s’est classée au top 10 du classement du Pnud que sur la période 1970-1980 où elle occupe le 6e rang des pays ayant le mieux réussi à améliorer l’IDH (Pnud 1994). Elle se classe au 23e rang sur la période 1980-1990, au 43e rang sur 1990-2000 et au 42e rang sur 2000-2010. Mais c’est sur la période 2010-2014, et c’est important de le souligner, que l’Algérie enregistre sa plus mauvaise performance en occupant la 110e en termes de vitesse d’amélioration de l’IDH.
Cela est le fruit d’un relâchement certain dans le domaine de développement humain que confirment les différents rapports sur l’éducation, la santé, la consommation et l’emploi. Dans le domaine de l’éducation, les rapports de l’Unicef (2014) et de l’ONU (2015) repris par le Cnes mettent tous en évidence les surcharges des divisions scolaires et les taux importants d’exclusion, de redoublement et de décrochage scolaire, en plus bien sûr du problème de la qualité de l’enseignement. Ce n’est pas en privatisant l’école et l’université qu’on relèvera les défis qui s’imposent dans ce secteur ni avec la marchandisation du savoir. Dans le domaine de la santé, si l’espérance de vie à la naissance est passée de 50,3 ans en 1970 à 72,5 ans en 2000, soit un gain de plus de 20 ans en 30 années, en 2015 l’espérance de vie est passée à 77,1 ans, soit un gain de 4,6 années en 15 ans. Cette amélioration a été rendue possible grâce à la réduction palpable du taux brut de mortalité qui est passé de 16,45 pour mille (1970) à 4,58 pour mille (2015). Toutefois, il faut souligner que cette amélioration n’a pas été linéaire durant cette période. C’est entre 1976 et 1989 qu’on observe le meilleur gain en termes de TBM (de 15,64%o à 6%o en 1989, soit une baisse de 60%). C’est sur cette période où l’Algérie a investi beaucoup dans la politique de santé en rendant possible l’accès aux soins à tous les Algériens. Par la suite, la période 1990-1997, marquée par l’apogée du terrorisme, a connu une stagnation du TBM autour de 6%o avant de descendre à 4,87 %o en 1998 et 4,59 %o en 2000. Après avoir atteint son plus bas niveau en 2006, soit 4,3 %o, la courbe d’évolution du TBM s’est inversée depuis cette date pour atteindre 4,58%o en 2015, soit pratiquement le taux de 2000.
a- Le ratio de mortalité liée à la maternité (nombre des femmes qui meurent pendant la grossesse et l’accouchement par 100 000 naissances en vie) est de 89. L’Algérie reste très loin de l’objectif du millénaire (ODM) pour le développement pour ce taux qui était de 40 pour cent mille pour l’année 2015. Selon le rapport du Pnud 2015, si l’Algérie avec un TMM de 89%o fait mieux que le Maroc (120%o), ses performances restent loin derrière la Tunisie (46%o) ou même l’Egypte (45%o).
b- Le taux de mortalité infanto-juvénile (TMIJ, nombre d’enfants qui décèdent avant d’atteindre l’âge de cinq ans) est de 25,7 pour mille en 2015 (ONS). Trois remarques :
ce taux après une amélioration continue depuis l’indépendance a légèrement augmenté par rapport à 2014, passant de 25,6 à 25,7 pour mille ;
l’ODM pour l’Algérie en 2015 était de 23 pour mille ce qui veut dire qu’il n’a pas été atteint ;
– en comparaison, la Tunisie (avec 15,9%o) et l’Egypte (22,7%o) font mieux que l’Algérie (BAD et ONU).
c- Le taux de mortalité infantile (TMI, nombre d’enfants qui décèdent avant d’atteindre l’âge de un an) est de 22,3 pour mille (ONS-démographie-2015). Deux remarques :
le niveau de la mortalité infantile a augmenté de 0,3 point entre 2014 et 2015, passant de 22 à 22,3 pour mille naissances vivantes ;
comme pour le TMIJ, l’Egypte (17,8%o) et la Tunisie (14,5%o) réalisent des performances supérieures à celles de l’Algérie (BAD et ONU).
Dans le domaine de l’emploi :
L’examen du rapport du Pnud 2015 montre que les statistiques intégrées sont celles du rapport de l’ONS 2013. En 2015, les rapports de l’emploi se sont dégradés : le taux d’emploi (rapport de la population occupée à la population âgée de plus de 15 ans) a baissé de 39,6% à 37,1% alors que celui du chômage a grimpé de 9,8% à 11,2%. Le taux de chômage des jeunes est encore plus inquiétant que celui de 2013 puisqu’il passe de 24,8% à 29,8% (45,3% pour les jeunes filles). En prenant en considération les découragés, le pourcentage des jeunes chômeurs passe de 35,4% à 40,8% (63,3% pour les jeunes filles). A cela s’ajoutent les jeunes qui ne vont ni à l’école ni au travail et qui représentent 21,5% de ce groupe d’âge.
Dans le domaine de l’alimentation :
L’état nutritionnel des enfants est un indicateur de l’état alimentaire du pays. Les données de l’enquête MICS4 Algérie (2012-2013) indiquent que :- la surcharge pondérale, c’est-à-dire le pourcentage du nombre d’enfants présentant un excès de poids par rapport à leur taille est de 12% en 2012-13 alors qu’elle était 9,3% en 2006. Ce qui veut dire que l’état alimentaire du pays s’est dégradé ces dix dernières années en nombre et en sévérité. Ces enfants sous et mal alimentés se retrouvent essentiellement dans les catégories démunies et sont plus nombreux en zone rurale qu’urbaine. En Algérie, la ration des ménages est encore dominée par les céréales, le lait et les légumes secs, mais avec un déséquilibre en protéines en particulier la viande et les poissons. En 2011, selon la FAO, un Algérien a consommé en moyenne 90 grammes de protéines par jour au moment où la consommation des Marocains, Tunisiens et Egyptiens était comprise entre 96 et 103 grammes/jour. Toujours selon la FAO (données disponibles sur son site), en 2011, un Algérien a consommé en moyenne 23,79 kg de viande et poisson, beaucoup moins qu’un Tunisien (38,41 kg), un Marocain (47,01 kg) ou un Egyptien (50,13 kg) et cinq fois moins qu’un Français (123,26 kg). Les Algériens consacrent une part importante de leur budget à l’alimentation : 42% en moyenne en 2011 (contre 35% en Tunisie en 2005 et 17% en France en 2011). En réalité, cette part est de 47,8% sans les loyers imputés. Or, selon les spécialistes, plus le coefficient alimentaire dans la consommation des ménages est important plus le niveau de vie est faible. Ce passage en revue de l’évolution du développement humain montre que l’Algérie a enregistré des avancées incontestables dans le domaine. Mais il montre aussi que ces avancées ont connu un frein notamment durant la dernière décennie. Et le plus inquiétant est le fait de savoir que ce recul va s’accélérer avec les remises en causes programmées des acquis sociaux. Le statut social des travailleurs se caractérise essentiellement par les éléments fondamentaux suivants : le salaire, les conditions du travail, et la protection sociale dans son contenu le plus large à savoir la sécurité sociale dont la retraite et les transferts sociaux. Et ce sont tous ces segments qui sont ciblés par l’offensive néo-libérale.
Les salaires :
Les salaires en Algérie sont très bas. Dans la plupart des pays dans le monde, la part des salaires dans le PIB est supérieure à 50%, atteignant même 75% pour certains d’entre eux, alors que pour l’Algérie elle est à peine égale à 27%. Alors qu’elle était de 34,7 % en 1993 et dépassait les 40 % dans les années 1980. Même dans les pays voisins, le ratio salaires/PIB est supérieur à celui de l’Algérie et dépasse les 35%. La décennie noire a été aussi celle des salaires à cause du PAS imposé par le FMI et l’article 87 bis qui a servi à contenir les salaires, puisque durant cette période leur poids dans le PIB a chuté de 40% pour se fixer à 19%-20% en 2000. De 2000 à 2015, avec l’augmentation des prix du pétrole, on assiste à une remontée progressive des salaires sans pour autant que leur poids n’atteigne son niveau de 1993. Aujourd’hui, le montant journalier du SNMG qui n’a pas été révisé depuis cinq ans ne permet pas d’acheter 500 grammes de viande. Même avec les subventions et la protection sociale, le pouvoir d’achat des travailleurs algériens est faible. A titre de comparaison, en 2014, le prix d’un litre d’essence super à la pompe représentait le salaire moyen de moins de cinq minutes de travail pour un Français (UFC-Que choisir-2014)) alors qu’à la même année, un Algérien devait travailler 6 minutes 20 sec pour s’acheter un litre d’essence. Pour se procurer un litre de lait, il fallait 30 secondes de travail à un Français contre 7 minutes à un Algérien ; il fallait 14 minutes à un Français contre 40 minutes à un Algérien pour un litre d’huile, 5 min contre 6 heures 25 min pour un kilogramme de viande de bœuf. Pour s’acheter une chaussure à bas prix, il fallait 1 heure de travail à un Français contre 10 heures à un Algérien et enfin pour consulter un médecin généraliste, un Français devait travailler 1 heures 24 min alors que l’Algérien devait le faire pendant 5 heures. D’aucuns vont nous dire qu’il ne faut pas se comparer à un pays développé. Pourtant, ce sont les mêmes qui ont comparé les prix des carburants (en absolu) à ceux des pays développés alors que là je raisonne en valeur relative et uniquement pour les produits de première nécessité et non de luxe. Les mêmes n’hésitent pas à comparer l’âge de la retraite à celui de ces pays alors que la situation n’est pas la même du tout. Cette comparaison en matière de pouvoir d’achat concerne 2014, c’est-à-dire avant la dévaluation du dinar, l’envolée des prix et des montants des différentes taxes induits par la LFC 2015 et la LF 2016. Par ailleurs, il faut souligner que la politique des salaires durant cette dernière décennie a été soumise à la loi des rapports de force sans que l’Etat ne joue pleinement son rôle de régulateur social dans ce domaine en ajustant les salaires par le biais du SNMG, et en encourageant et en encadrant les négociations salariales. Cela pour contenir les salaires dans le secteur privé ou les travailleurs en l’absence de syndicats n’ont pas une capacité de négociation suffisante pour arracher des salaires de la dignité. Au résultat nous avons des discriminations à plusieurs niveaux : entre les cadres supérieurs de l’Etat et le reste des travailleurs, entre les cadres dirigeants des entreprises publiques dont les salaires et les primes sont indexés sur le SNMG et le reste des travailleurs dont les salaires sont bas à cause de ce SNMG. C’est dire que ce dernier remplit une fonction contraire à sa raison d’être, entre les travailleurs de la fonction publique et les travailleurs du secteur économique, entre les travailleurs du secteur public et les travailleurs du secteur privé, entre les différents secteurs de la fonction publique eux-mêmes en fonction de leur capacité de négociation, entre les cadres et les travailleurs de maîtrise et d’exécution de tous les secteurs (les salaires des corps communs dans la fonction publique et d’exécution du secteur privé qui gravitent autour du SNMG sont les plus bas du Bassin méditerranéen). Il faut enfin ajouter que depuis cinq ans en Algérie, la contribution des salariés au budget de l’Etat (IRG) a dépassé celle des entrepreneurs (IBS). Entre 2000 et 2013, la contribution de l’IBS dans les recettes ordinaires a été multipliée par trois alors que celle de l’IRG a été multipliée par 14 durant cette même période. En 2000, l’IBS représentait le quart des recettes ordinaires (RO) contre un dixième pour l’IRG alors qu’en 2013, ces rapports se sont inversés puisque l’IBS ne représente plus qu’un huitième des RO contre un quart pour l’IRG. A cet effet, le rapport de la Cour des comptes de 2011 nous apprend que «la contribution des entreprises nationales à l’IBS (pour l’année 2010) n’est que de 44,885 milliards de dinars, soit 17%, les 83% restant, soit plus de 210 milliards de dinars, sont réalisés avec des entreprises étrangères par voie de retenues à la source. Ceci permet de déduire que la part de l’IRG des salariés en 2010 représentait plus de cinq fois l’IBS payée par les entreprises nationales uniquement. Alors que le même rapport de la Cour des comptes notait des insuffisances du contrôle fiscal et des moyens humains affectés à cette mission, le projet de loi sur l’investissement de 2016 prévoit, à défaut de renforcer les moyens de contrôle de l’administration fiscale, de réduire les missions de celui-ci. Pour conclure : si la contribution du patronat et des entrepreneurs au budget de l’Etat est insignifiante, pourquoi le FCE se permet- il de décider s’il faut supprimer les transferts sociaux ou augmenter l’âge de la retraite ?
N. B.
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