Ce qui s’est passé à Annaba est une sérieuse mise en garde au pouvoir
Le soulèvement des vendeurs à la sauvette à Annaba et leur opposition par la force aux services d’ordre venus les déloger sont les prémices de la rupture du contrat social artificiel qui n’a résisté, jusque-là, que grâce aux revenus pétroliers et à une politique extrêmement laxiste du pouvoir, fondée sur un calcul simpliste : acheter la paix sociale avec la rente pour se maintenir ad vitam ad aeternam. Par-delà la colère de ces vendeurs, ce sont les conséquences de ces affrontements qui sont à craindre. Car, d’un côté, le pouvoir persévère dans son autisme et continue à faire la sourde oreille malgré les nombreux signes précurseurs d’une effervescence qu’une simple étincelle pourrait transformer en une insurrection généralisée. Et, de l’autre, la rue, jusque-là calme, est harcelée de toute part par un flux incessant d’informations qui lui parviennent sur des scandales financiers et des affaires scabreuses, tandis que les autorités publiques se cantonnent dans une sorte de posture méprisante, en faisant mine de minimiser l’importance des dossiers de corruption et de fuite de capitaux révélés par-ci par-là. Le retour en grande pompe de l’ancien ministre de l’Energie a enfoncé le dernier clou dans le cercueil d’un pouvoir vacillant et finissant, qui a définitivement perdu la confiance du citoyen. Devenu une référence nationale en matière d’impunité des hauts dignitaires du système, Chakib Khelil intrigue les observateurs par son arrogante attitude face à l’impuissance de la justice et à l’incrédulité de l’immense majorité des citoyens. Sa non-convocation par le juge en charge de l’affaire Sonatrach a été l’élément déclencheur d’une réaction en chaîne qui débouchera inexorablement sur une fracture entre gouvernants et gouvernés. Devant ce pourrissement général auquel nous a conduits le quatrième mandat de Bouteflika, le pouvoir joue sur plusieurs tableaux, continuant de tendre la carotte d’une main, à travers les assurances du gouvernement qui promet qu’aucun «acquis social» ne sera remis en cause – s’engluant ainsi dans le mensonge et s’enfonçant dans la fange –, et exhibant le bâton, de l’autre, par le biais de démonstrations de force et d’actions d’intimidation qui visent les médias et les personnalités politiques indociles. La panique du pouvoir qui navigue à vue, sans aucune perspective politique, est aggravée par les émeutes d’Annaba. Ce, au moment où des appels se multiplient pour tenter de sauver les meubles avant qu’il soit trop tard. Les jours à venir s’annoncent périlleux pour la démocratie et menaçants pour la sécurité du pays. Tout cela, sur fond d’absence totale du chef de l’Etat, seul arbitre à même de mettre de l’ordre dans ce chaos naissant.
M. Aït Amara
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