Quotidien El-Moudjahid : journal public ou organe de propagande au service d’un clan ?
Le quotidien El-Moudjahid s’est fendu d’un éditorial dans son édition d’hier, ostensiblement hostile à toute voix opposée au régime actuel. Le texte signé «El-Moudjahid» – donc engageant, malgré eux, l’ensemble des journalistes de ce média appartenant à l’Etat – est une réaction fébrile à la dernière sortie du général Khaled Nezzar qui a exhorté les députés à ne pas voter le projet de loi scélérate conçue par le vice-ministre de la Défense nationale et visant à empêcher une frange de la société de s’exprimer librement. Par-delà le contenu de l’article, le comportement de la direction d’El-Moudjahid fait foi de l’aliénation totale envers des commanditaires tapis dans l’ombre qui dictent leurs lubies à ces responsables otages ou serviles. Cette attitude peureuse qui vicie le noble métier de journaliste est d’autant plus déshonorante qu’elle se passe au cœur d’un média créé par les preux combattants de la guerre de Libération nationale pour servir de porte-voix à la glorieuse Révolution de novembre 1954. Faire preuve de lâcheté sous le dôme d’un journal historique qui porte le nom d’«El-Moudjahid» est irrationnel et déraisonnable. Une telle poltronnerie contraste tristement avec l’éditorial d’un des pères de la lutte armée, Abane Ramdane, qui annonçait la création de cet organe en 1956. «En s’intitulant El-Moudjahid, cette brochure ne fait que consacrer ce nom glorieux que le bon sens de notre peuple a, dès le 1er novembre 1954, attribué aux patriotes qui ont pris les armes pour une Algérie libre ; il prend place pour être l’œil, l’oreille et la voix, l’informateur objectif de l’opinion, le point de rencontre du maquis et du peuple». El-Moudjahid, hier rehaussé par les signatures de grands noms de la Révolution, Larbi Ben M’hidi, Krim Belkacem, Lakhdar Bentobal, Abdelhafidh Boussouf et combien d’autres encore, est rabaissé au rang indigne de frotte-manche au service exclusif de quelque mégalomane démesurément ambitieux. El-Moudjahid, «journal de combat», doit revenir de droit à ses fondateurs et, de ce fait, restitué au peuple comme devront l’être, du reste, tous les autres symboles de la guerre de Libération nationale – FLN en tête – détournés de leur vocation originelle et mis à la disposition d’une caste au pouvoir qui nous entraîne subrepticement vers une dictature abjecte. Nos confrères d’El-Moudjahid auraient-ils trahi le serment des martyrs dont la voix fait écho dans chaque recoin du 20 rue de la Liberté ? Nous refusons de le croire.
M. Aït Amara
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