Emigration clandestine : autopsie du phénomène
Par Abdelkader Benbrik – Un nombre record de 137 000 migrants ont traversé la Méditerranée dans des conditions périlleuses au cours du premier semestre 2015, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Combien sont-ils ces migrants clandestins algériens et africains qui ont pris le large pour ne plus revenir ? Combien sont-ils ces jeunes Algériens et Subsahariens disparus dans la Méditerranée ? Dépassées par l’ampleur du phénomène que rien n’arrive à juguler, pas même les peines d’emprisonnement de 2 à 6 mois pour toute personne qui quitte le territoire algérien d’une façon illicite, les autorités affichent profil bas. L’émigration clandestine, la «harga», dans le jargon populaire, ne veut pas tarir. Un phénomène qui signe, d’une part, l’échec de la politique de répression «concoctée» par les Etats africains et confirme, d’autre part, en Algérie – ce qui me paraît plus important – le revers des différents programmes du président de la République. De toutes les manifestations du désespoir des jeunes algériens (émeutes, suicides, immolations, toxicomanies, etc.), le phénomène de l’émigration clandestine est celui qui caricature au mieux la faillite de la gouvernance d’un pays. Faut-il, en effet, souligner que ce phénomène a fait irruption au moment même où l’Algérie se trouve dans une aisance financière jamais encore observée depuis son indépendance ? Un enrichissement qui dure depuis le début des années 2000 et qui ne profite pas au citoyen lambda comme il le fallait ni aux diplômés fils du peuple. La petite Méditerranée, devenue en quelques années un grand cimetière pour les «naufragés inconnus». En quelques mois, il y a eu des dizaines de naufrages, des candidats à l’immigration clandestine disparus en mer dans le silence. La scène macabre se répétait plusieurs fois par mois. Ceci n’a à ce jour pas fait réagir les politiques des pays du pourtour méditerranéen et, surtout, ceux des pays africains dont le nombre élevé des candidats qui traversent le grand désert, avec ses risques et aventures, avant d’arriver aux côtes de l’Afrique du Nord pour entamer dans seconde étape, celle de traverser clandestinement la Méditerranée. Cette traversée méditerranéenne est devenue aussi un business, un fonds de commerce pour des passeurs sans scrupule. Ils entassent les candidats kamikazes dans des embarcations de fortune, équipées d’un moteur ordinaire et usé qui lâche à quelques miles de la côte, abandonnant ces êtres humains à leurs multiples souffrances. Leur espoir prendra fin au large devant une mort quasi certaine, mais acceptée quand même. Ils ont été jusqu’au bout de leur tentative de fuir la misère imposée, et le marasme d’une politique économique qui demeure un siècle en retard en Afrique et qui ne profite qu’à la nomenklatura et ses tentacules. Ce continent africain gouverné dans la médiocrité, très mal géré par des pseudo-politiques dont ils assument la responsabilité totale de ces dizaines de milliers d’enfants africains disparus au désert du Sahel et en mer. Cette nouvelle année de 2016 est tout à fait dramatique. La plus grande tragédie de la Méditerranée a été enregistrée près de la ville italienne Lampedusa, 366 noyés. Il y avait entre 500 et 550 personnes à bord du bateau qui s’est retourné, après être parti 24 heures plus tôt des côtes libyennes. Et parmi les victimes se trouveraient, notamment, de nombreux jeunes garçons, probablement mineurs. En 24 heures, les gardes-côtes italiens ont porté secours à 42 embarcations, chargées au total de plus de 8 000 candidats migrants. La plupart venus des deux pays, Tunisie et Libye. Les jeunes Libyens ne connaissaient point cette immigration clandestine avant la chute de Kadhafi. C’était un pays riche et prospère ; il employait à lui seul quelque 2 000 000 de travailleurs étrangers, venus des pays d’Asie, en particulier du Bangladesh et de l’Inde.
Aujourd’hui, ce sont les jeunes de la Libye qui quittent leur pays à la recherche d’une vie meilleure. Qui a détruit leur avenir ? Kadhafi ou les bombardements des avions envoyés par Sarkozy ? Selon les statistiques approximatives, il a été enregistré plus de 3 200 personnes mortes en mer, alors que plus de 130 000 sauvés d’une morte réelle. Or, avec la multiplication des conflits au Moyen-Orient, mais aussi le terrorisme et la pauvreté imposée par certains gouvernants à leur population dans des pays d’Afrique et du Maghreb, l’inquiétude est grande à présent de voir les drames se multiplier en mer. Les gouvernements des pays européens persistent dans leur silence et indifférence à l’encontre des dirigeants de pays d’Afrique et du Maghreb qui s’obstinent à introduire des réformes et persistent, à leur tour, à concrétiser le marasme économique et social dans leurs pays, poussant une majorité de leur population à une «évasion collective».
A. B.
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