Human Rights Watch dénonce la détention des responsables de la chaîne El-Khabar
L’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a dénoncé la détention préventive de deux responsables de la chaîne de télévision privée appartenant au groupe El-Khabar. Dans une déclaration rendue publique, HRW appelle «les autorités algériennes à accorder à Mahdi Benaïssa, directeur de la télévision KBC, et Ryadh Hartouf, directeur de production de “Ness Stah”, la liberté provisoire et à revoir les charges contre les deux qui sont incompatibles avec la protection de la liberté d’expression et des médias selon les normes internationales des droits de l’Homme et la nouvelle Constitution algérienne. Celle-ci stipule que les délits de presse ne peuvent être sanctionnés par des peines privatives de liberté». Pour cette ONG, «mettre des personnes en prison sous prétexte d’une irrégularité dans les autorisations de tournage est une mesure disproportionnée et qui est plutôt destinée à museler les médias indépendants».
«Les autorités judiciaires ont argué d’irrégularités dans les autorisations de tournage pour placer en détention préventive Benaïssa, Hartouf ainsi que Mounia Nedjaï, fonctionnaire du ministère de la Culture, qui leur aurait donné les autorisations de tournage», précise-t-on dans la même déclaration. HWR relève que «Khaled Berghel, l’avocat de Benaïssa et de Hartouf, a informé Human Rights Watch que les deux responsables étaient inculpés pour fausses déclarations, selon l’article 223 du code pénal et complicité dans l’abus de pouvoir selon les articles 33 et 42 de la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption».
L’ONG indique, par ailleurs, que «l’article 223 prévoit jusqu’à 3 ans de prison pour quiconque se fait délivrer indûment un document officiel en faisant de fausses déclarations ou en fournissant de faux renseignements, certificats ou attestations. Les articles 33 et 42 de la loi sur la prévention contre la corruption punit jusqu’à 10 ans de prison l’agent public ou son complice qui abuse intentionnellement de ses fonctions pour obtenir un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité». Cette ONG internationale souligne que «ces détentions interviennent après la mise sous scellés par la Gendarmerie nationale, le 19 juin, du studio d’enregistrement de “Ki hna ki ness” (nous sommes comme les autres) et de “Ness stah” (les gens sur les toits) sur la chaîne de télévision privée KBC, propriété du Groupe de presse El-Khabar». «Les deux émissions avaient été interrompues depuis le 19 juin lorsque des forces de la Gendarmerie nationale ont débarqué dans les locaux d’enregistrement, confisqué le matériel de production et mis le studio sous scellés.
Selon Cherif Rezki, la raison invoquée était que ces studios n’avaient pas le droit d’opérer comme lieu d’enregistrement», soutient HRW qui rappelle que «KBC était déjà en conflit judiciaire avec le ministère de la Communication dans le dossier du rachat du Groupe de presse El-Khabar suite à la vente d’une majorité de ses actions à Ness Prod». L’ONG évoque ainsi «le sort de ces chaînes illustre la précarité de la situation des chaînes privées en Algérie».
«La loi portant sur l’audiovisuel, promulguée le 23 mars 2016, a théoriquement libéralisé l’espace médiatique. Une autorité de régulation de l’audiovisuel, prévue par cette loi, a été mise en place le 20 juin 2016», note HRW, tout en soulignant que «le cadre juridique qui réglemente la liberté d’expression, le libre accès à l’information ainsi que le champ audiovisuel est loin de se conformer aux normes internationales en la matière. L’Algérie a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1989 et est tenue de respecter la liberté d’expression qu’elle garantit dans son article 19».
«La loi organique relative à l’information, adoptée le 12 janvier 2012 parmi la panoplie de lois “réformistes” promises par le régime après le déclenchement des protestations populaires en Algérie comme dans d’autres pays de la région, contient plusieurs articles qui restreignent la liberté d’expression et d’information», insiste HRW. L’ONG précise que l’article 2 énonce que l’information est «une activité librement exercée» dans le respect de notions très larges telle que «l’identité nationale et les valeurs culturelles de la société, la souveraineté nationale et l’unité nationale, les exigences de la sécurité et de la défense nationale, les exigences de l’ordre public et des intérêts économiques du pays, entre autres».
Les avocats de la défense ont déposé, le 26 juin, un appel pour obtenir la liberté provisoire. Le tribunal rendra sa décision le 10 juillet.
Sonia Baker
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