A propos des conditions de vente des LPP
Par Lotfi Ramdani(*) – Peut-on considérer que la formule LPP, telle que proposée par l’Enpi, comporte des clauses abusives au vu de la loi sur la protection du consommateur ?
Afin de répondre à cette question, Lkeria.com a examiné les dispositions de la loi sur la protection du consommateur et les textes réglementaires subséquents ainsi que les conditions générales de vente des logements LPP telles qu’annoncées par les responsables du secteur de l’habitat et de l’Enpi, et vous livre les éléments ci-après.
Il y a lieu de rappeler que l’Enpi en charge du programme LPP est un promoteur immobilier, certes public, mais demeure une entreprise économique régie dans ses relations avec le public par le code du commerce, et reste soumise aux dispositions de la loi n° 89-02 du 7 février 1989 relative aux règles générales de protection du consommateur ainsi qu’à la loi n° 04-02 du 23 juin 2004, modifiée et complétée, fixant les règles applicables aux pratiques commerciales, notamment son article 30.
Considérant que le consommateur est dans une situation d’infériorité quand il signe un contrat d’adhésion, la loi de protection des consommateurs a voulu établir l’équilibre entre le professionnel et le consommateur, en interdisant certaines clauses qui donnent trop d’avantages au professionnel et qu’elle juge «abusives». Et parce que le consommateur ne peut pas matériellement supprimer la clause incriminée quand il signe le contrat, la loi considère que même si le contrat a été signé par le consommateur, la clause ne vaut rien. On dit alors qu’elle est «réputée non écrite». Aussi, le professionnel qui utilise ce type de clauses est passible aux termes de la loi d’une amende allant de 50 000 à 5 millions de dinars.
Pour être qualifiées d’abusives, les clauses doivent :
– concerner les éléments essentiels du contrat, c’est-à-dire tous les éléments du contrat qui sont déterminants pour la prise de décision du client, «le bien ou le service lui-même, le prix, les modalités de paiement, les conditions de livraison, les pénalités de retard, les modalités de garantie et de conformité, les conditions de révision des clauses, le règlement des litiges et les procédures de résiliation» ;
– entraîner un déséquilibre significatif du contrat au détriment du client. Le principe est relativement simple : chaque fois qu’une clause accorde des droits au professionnel sans consentir les mêmes au consommateur, ou chaque fois qu’une clause impose des obligations au consommateur sans prévoir des obligations réciproques pour le professionnel, elle est abusive.
Ainsi est abusif le fait de :
– prévoir que le consommateur est engagé alors que le professionnel se donne le droit de revenir sur sa décision ;
– permettre au professionnel de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre : peut-on considérer comme abusif le fait que l’Enpi n’a pas encore fixé à ce jour le prix définitif des logements LPP ainsi que les délais de livraison qui ne sont pas connus par les souscripteurs, alors que ces derniers ont rempli l’ensemble de leurs engagements ?
– supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur quand le professionnel n’exécute pas ses obligations : dans le cas du logement LPP, le contrat de vente ne prévoit aucun dédommagement si les délais de réalisation sont dépassés !
Dans ce cadre, le décret exécutif n° 06-306 du 10 septembre 2006 fixant les éléments essentiels des contrats conclus entre les agents économiques et les consommateurs et les clauses considérées comme abusives établit une liste de 12 clauses considérées comme abusives :
– les clauses par lesquelles l’agent économique restreint les éléments essentiels des contrats, qui sont : les spécificités et la nature des biens et/ou services, les prix et tarifs, les modalités de paiement, les conditions et délais de livraison, les pénalités de retard dans la livraison, les modalités de garantie et de conformité des biens, les conditions de révision des clauses contractuelles, les conditions de règlement des litiges, les procédures de résiliation du contrat.Tous ces points ne figurent pas dans le contrat liant l’Enpi aux souscripteurs LPP ;
– se réserve le droit de modifier ou de résilier le contrat unilatéralement, sans dédommagement pour le consommateur ; c’est le cas lorsque l’Enpi se réserve le droit de ne pas fixer dès le début le prix, le nombre et le montant de l’apport personnel, ce qui est en soi une modification unilatérale du contrat ;
– n’autorise le consommateur, en cas de force majeure, à résilier le contrat que moyennant le paiement d’une indemnité, cas des souscripteurs qui n’ont pas pu rassembler la 2e tranche de 100 millions de centimes et se sont vu payer une pénalité de 5% de l’apport et ceux qui ont désisté suite à une affectation qui ne répond pas à leur situation socio-professionnelle ;
– dégage unilatéralement sa responsabilité et n’indemnise pas le consommateur en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse de ses obligations, cas des retards enregistrés sur quelques sites LPP et le déficit de 6 000 logements enregistré au niveau de la capitale ;
– prévoit qu’en cas de litige avec le consommateur, celui-ci renonce à tout moyen de recours contre lui, c’est le cas du choix du site, où l’Enpi n’accorde aucun droit de recours au souscripteur ;
– impose au consommateur des clauses dont il n’a pas pris connaissance avant la conclusion du contrat. C’est le cas du prix des logements LPP, dont les souscripteurs n’ont pas encore pris connaissance ainsi que le montant de l’apport personnel qui ne cesse d’être modifié : une seule tranche, puis deux puis trois maintenant ;
– détermine le montant de l’indemnité due par le consommateur qui n’exécute pas ses obligations, sans prévoir parallèlement une indemnité à verser par l’agent économique qui n’exécute pas ses obligations. C’est le cas pour les souscripteurs voulant se désister qui doivent verser une indemnité à l’Enpi alors que cette dernière ne prévoit aucun dédommagement en cas de retard dans la livraison ;
– impose au consommateur des obligations supplémentaires injustifiées ;
– se libère des obligations découlant de l’exercice de ses activités ;
– retient les sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci n’exécute pas le contrat ou le résilie sans prévoir, au profit de ce dernier, le droit à un dédommagement au cas où c’est l’agent économique qui n’exécute pas le contrat ou le résilie ;
– se réserve le droit d’obliger le consommateur à rembourser les frais et honoraires dus au titre de l’exécution forcée du contrat, sans lui donner la même faculté ;
– fait peser sur le consommateur des obligations qui relèvent normalement de sa responsabilité.
Aussi, la loi sur la protection des consommateurs prévoit que si un agent économique oppose des clauses qui privent les consommateurs de leurs droits, ces clauses peuvent être considérées comme abusives, et le consommateur est en droit de contester leur validité. Toutefois cette contestation est un exercice difficile où il est préférable de se rapprocher d’une association de protection des consommateurs afin d’aider les consommateurs à vérifier que la clause contestée est abusive au sens de la loi. Dans le cas où le préjudice d’une clause abusive serait important, le guide des consommateurs établi par le ministère du Commerce prévoit que le consommateur peut s’adresser directement au tribunal qui constatera de lui-même le caractère abusif de la clause et décidera s’il y a lieu à dédommagement.
Rappelons que les associations de protection des consommateurs ont un rôle important à jouer dans l’éradication des clauses abusives. En effet, elles font partie de la Commission des clauses abusives instituée par le décret exécutif n° 06-306 du 10 septembre 2006. Cette Commission a pour mission de rechercher les clauses abusives dans les contrats d’adhésion et de formuler des recommandations auprès du ministère du Commerce pour les éliminer. Malheureusement, aucun travail notable n’a été fait par ces associations dans ce domaine.
Enfin, à la lumière du cadre juridique traitant des clauses abusives et les conditions générales de vente des logements LPP fixées par l’Entreprise nationale de la promotion immobilière ENPI, il n’y a nul doute qu’une partie non négligeable des clauses de ventes des logements promotionnels publics, LPP, peuvent être considérées comme abusives et pourrait donner lieu à dédommagement.
Toutefois, cette contribution du site immobilier Lkeria.com autour du logement LPP ne vise en aucun cas la remise en cause des objectifs de cette nouvelle formule de logement ou d’amoindrir les efforts consentis par le gouvernement et l’Enpi pour adapter et diversifier l’offre de logement public. Cependant, les éléments soulevés dans cette contribution méritent d’être débattus loin de toute polémique ou interprétation tendancieuse, par des spécialistes en la matière, notamment les associations de protection des consommateurs, l’objectif étant l’intérêt des souscripteurs.
L. R.
(*) Directeur de Lkeria.com
Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
Comment (6)