L’émergence de la socialité dans la cité
Par Mohamed Benallal – «Le consentement des hommes réunis en société est le fondement du pouvoir. Celui qui ne s’est établi que par la force ne peut subsister que par la force.» Denis Diderot
La ville se jauge par la santé de l’école, de la famille, des groupes professionnels, de la politique, de l’administration, des moyens de communication de masse, de la mosquée, qui agissent à l’échelle de la cité. A cet effet, il faut mesurer, quantifier, analyser, justifier et expliquer les habitudes et les conduites collectives, l’opinion, et les processus de socialisation de la cité et leur transformation à commencer par la relation interpersonnelle à travers l’espace géographique et le temps. Ce phénomène social se base en général sur la relation qui s’établit entre deux ou plusieurs personnes et qui se manifeste par diverses actions : disputes, ventes, achats, mariages, conversations, diverses sortes de jeux, de divertissements, de circulation, etc. C’est ce qu’on appelle «des faits sociaux» qui font partie de la vie et de la socialité de la cité en général.
Ces faits sociaux sont régis par des règles qui commandent l’organisation de la société d’une cité donnée. Cette organisation est soutenue par des institutions républicaines dans le but d’assurer un ordre social par le biais du respect strict de règles codifiées contenues dans les divers codes : commerce, pénal, électoral, de l’information, de la route, code de l’urbanisme, de la famille… Cependant, lorsque ces relations ou plus exactement ces rapports sociaux présentent un caractère de permanence et d’habitude sinon de coutume, elles sont agencées selon une structure, c’est-à-dire des groupes se constituent et les relations se cristallisent (associations, organisations, structures nouvelles…). Ces interactions se forment selon des normes de conduite que l’on appelle des comportements sociétaux. La société dans une cité donnée impose des modèles de conduite auxquels on se conforme, ce sont les «habitudes collectives», c’est-à-dire des idées que l’on se fait et qu’on se fixe collectivement, l’individu porte la marque de son environnement social, la famille lui impose selon ses moyens un mode de vie, des habitudes, des traditions et un niveau de vie. C’est tout un processus de recomposition de la société, prenant une forme par le biais de mouvements de transformation sociale où l’autorité, l’éducation, la communication, l’art produisent une nouvelle conscience sociale, qu’elle soit positive ou négative.
La recherche de nouvelles valeurs telles les valeurs hédonistes (recherche du plaisir), les valeurs qui affichent les nouvelles altérités (marquer les différences) et les virtualités amenées par les technologies de l’information et de la communication (TIC) s’imposent devant la négation, l’incompétence et le laxisme de l’autorité de la cité. L’absence de dialogue social, de savoir, de l’art, de la culture et de la pensée mènent à la corruption, le non-droit, la saleté, le mensonge, le laxisme, «hogra», le passe-droit, le clientélisme, la médiocrité, «el-kafza t’rabah», les nuisances, le mal… Le désordre dans la cité est un phénomène humain temporaire, c’est aussi un dysfonctionnement de la raison sociale que les Algériens trouvent que tout à fait normal, en effet, on dit souvent que «c’est normal». La raison ordonne méthodiquement les choses pour qu’elles deviennent normales au sens juste du mot, alors qu’en Algérie, l’irraisonnable est devenu «normal». Par ailleurs, il est question de méthode de travail pour résoudre les confusions, les erreurs, les anomalies, les incohérences et les irrégularités constatées dans la vie sociétale. Ceci nous amène à la nature de la raison dont le rôle (autorité, société civile et politique…) est de leur donner un arrangement pour rendre à la cité sa «propre identité» et sa «propre entité» sans aucune confusion. C’est une évidence qui devient mesurable et calculable, permettant de sanctionner tout écart positif ( formel) par la récompense (valeurs morales, sens du devoir…) et négatif par une punition selon des normes préétablies dans les dispositions des codes précités, en quelque sorte chasser le mal sociétal pour établir le bien-être . La cité devrait être encadrée par des statuts fonctionnels et des contrats opérationnels pour que la société se consolide en communauté et la solidarité mécanique surpasse la solidarité organique pour enfin lutter contre la désorganisation sociale.
Pour une illustration sommaire, la cité bénisafienne présente, comme toutes les autres cités algériennes, un constat écœurant où la mafia urbaine établit sa propre loi basée sur l’occupation des lieux publics (trottoirs, kiosques…), la violation flagrante de lois urbanistiques (constructions illicites et illégales, aménagement de façades au gré du vent, etc. ), la circulation et le stationnement anarchiques (violation du plan de circulation), la constitution de réseaux divers (prostitution, trafic de drogue) et le commerce informel. Cette désorganisation de la cité empêche toute instauration d’un Etat de droit. La paix sociale s’instaure en principe en collaboration avec la société pour mettre fin à ce climat bizarre où l’anormal est devenu «normal» pour le citoyen lambda algérien. Machiavel ne dit-il pas qu’«il ne suffit pas d’être fort comme un lion, mais rusé comme le renard» ? Chez nous, on voit que la cité est envahie par des renards.
M. B.
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