Yacef Saâdi à Ted Morgan : «Vous faites fausse route avec le patriote que je suis !»
Algeriepatriotique publie la réponse intégrale du moudjahid Yacef Saâdi, chef de la Zone autonome historique d’Alger, au soldat de l’armée coloniale Ted Morgan, de son vrai nom Sanche de Gramont, dont les propos mensongers ont été repris avec un étrange enthousiasme par certains médias algériens.
Le journaliste franco-américain Ted Morgan ou, si vous voulez, le Comte Sanche Charles Armand Gabriel de Gramont – quelle noblesse ! – raconte, à sa façon, la «Bataille d’Alger», que Christophe Forcari appelle dans Libération et à juste titre, «une guerre si vile». La vilenie de cette guerre vient également du fait que l’auteur, Ted Morgan, n’oublie pas d’informer ses lecteurs, d’une façon cynique, qu’il a été partie prenante dans la «Guerre d’Algérie», avec le grade de sous-lieutenant, au sein d’un régiment sénégalais de l’infanterie coloniale… Il n’oublie pas, également – j’allais dire surtout – de révéler, toute honte bue, «qu’il a commis un crime de guerre après avoir frappé un prisonnier pour le faire parler jusqu’à le tuer». Pour ce qui est du droit à la parole qui se manifeste par son livre, je précise avant d’énoncer quelques principes et donner des justifications sur les propos émis à mon encontre, qu’il peut s’exprimer librement dans la mesure du respect des événements et de l’Histoire. Parce que je crois à la liberté d’expression et à la vérité ; celle qui nous vient de gens honnêtes.
Cependant, le journaliste Ted Morgan, qui a opté pour une nouvelle citoyenneté et par le truchement d’une simple anagramme, s’affuble d’une identité de consonance yankee, s’il a le droit de s’exprimer et même de fantasmer quelquefois, il n’a nullement ce droit d’aborder un sujet pour lequel il n’avait pas tous les tenants et les aboutissants, encore moins les archives crédibles qui lui permettent de s’attaquer vertement, aujourd’hui, à des personnages avec lesquels il n’avait aucun contact.
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez-moi vous parler directement ! Je serai plus à l’aise pour vous démontrer que vous faites fausse route avec le patriote que je fus, que je suis et que je serai toujours, pourvu que Dieu me prête vie pour voir triompher la vérité que vous et vos semblables êtes en train d’occulter pour des buts inavoués.
Vous étiez, pendant notre glorieuse Révolution, soldat de propagande. Nous connaissons tous, et moi personnellement plus que les autres, les dégâts perpétrés par ce département auquel vous étiez attaché et par le biais duquel vous vous êtes exercé au mensonge, à la diversion et à la tromperie. Mais vous étiez, surtout, témoin de violences et d’atrocités perpétrées durant la «Bataille d’Alger» – comme vous le précisez si bien, dans votre livre. Vous ne pensez pas qu’avec votre première déclaration que je relate en introduction, et cette dernière où vous parlez de votre position de témoin, non seulement passif mais aussi complice, vous vous attribuez des missions d’une gravité monstrueuse et, du même coup, vous vous condamnez en vous imputant des délits plus importants car tragiques et démentiels ?
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez-moi vous dire que lorsque le discours devient récurrent, comme c’est le cas de vos déclarations gratuites et immotivées, il prend la forme d’une attaque frontale de mauvais aloi, éhontée, ou carrément la forme d’une pernicieuse machination qui vous a été ordonnée par ceux qui vous emploient pour de tristes besognes. Et dans ces deux cas de figure, ma question comme celle de tous vos lecteurs, à qui vous offrez des moments de sensation forte par vos déballages incongrus, est la suivante : avez-vous les moyens – je veux dire les preuves suffisantes – qui vous permettent de me charger de la sorte ? En tout cas, je vous mets au défi de m’en montrer une, au moins une, dûment authentifiée comme celles que je détiens aujourd’hui ! Et là, franchement, je doute fort que vous ayez quelque chose qui tienne la route ! Ce en quoi, je vous pose une autre question : avez-vous la force de vous défendre demain, devant un tribunal juste, lors d’un procès équitable qui mettra fin à votre audace, voire à votre effronterie, et me donnera raison devant mon peuple tout en vous ridiculisant aux yeux du monde ?
Voyez-vous, ce sont des questions aussi simples qu’honnêtes et sincères de ma part. Des questions que je vous poserai constamment pour comprendre le pourquoi de vos assertions qui ont tout l’air d’une campagne – gratuite en ce qui me concerne – mais de mauvaise facture, je le répète encore une fois, parce que vous n’avez pas les compétences d’un véritable historien pour me juger ; pardon, pour m’accabler de la sorte. Parce que vous devez savoir que la mission première d’un historien avéré est de restituer la vérité et non d’entrer dans la polémique. Et Henry Rousso, l’historien français disait : «L’historien ne délivre aucun verdict, il est un universitaire dont le travail répond à des règles qui n’ont rien à voir avec celles d’un tribunal.» Rousso parlait de vrais historiens, justes et… honnêtes. Vous m’avez compris, et ce n’est pas votre cas, hélas !
Monsieur le journaliste Ted Morgan, laissez les véritables acteurs de la «Bataille d’Alger», de même que les bonnes archives, s’exprimer en fonction de leurs données incontestablement exactes. Il n’y a pas mieux que ceux-là qui puissent apporter des éclairages sur cette douloureuse période de notre glorieuse Révolution et de votre guerre, sale et vile, qui a été imposée au peuple algérien par les tenants du colonialisme. Parmi ces acteurs et les plus concernés, il y a qui sont encore de ce monde, plus valides que jamais, sur les plans de la santé et… de la mémoire. A eux de s’exprimer, courageusement et sincèrement, sur ce sujet ! Je leur adresse cette invocation, publiquement, et leur demande de me confronter sur tous les aspects de cette «bataille» qui, pour moi et pour les valeureux patriotes de la Zone autonome historique d’Alger, demeure un fait colonial aux multiples facettes qui mérite d’être analysé autrement que par des accusations gratuites et des révélations diffamatoires qui nous éloignent des véritables souffrances que la population d’Alger a endurées.
Vous constaterez, d’après ce qui précède, Monsieur le journaliste Ted Morgan, que j’ai cette honnêteté morale de vouloir m’expliquer, hautement, devant qui que ce soit. Parce que je peux – même en étant au crépuscule de ma vie – prouver, voire conforter mon discours par des documents authentiques que je possède et d’autres, plus importants, que je viens de récupérer par mes propres moyens, ces documents officiels que le commun des mortels appelle «ARCHIVES» et qui peuvent confondre et accuser plus d’un, sans m’éclabousser, fort heureusement.
Ainsi, il est temps, aujourd’hui, que je sorte de mon silence parce que je crains que j’ai pu laisser croire à tort que ma position de réserve ait été interprétée autrement que par une décision de sagesse et de sérénité. Oui, aujourd’hui, j’ai décidé, en effet, de me défendre en utilisant les meilleures ressources pour convaincre les Algériens, mes compatriotes, qui veulent connaître la vérité, sur toutes les causes de la mort d’Ali La Pointe, Hassiba Ben Bouali, le petit Omar – mon neveu – et Mahmoud Bouhamidi.
Les documents authentifiés qui sont en ma possession me permettent, présentement, après tant d’années durant lesquelles je m’étais imposé le devoir de réserve, de faire une fidèle reconstitution de toute la période où nous avons combattu obstinément contre cette «Bataille d’Alger» qui nous été imposée par les forces coloniales. Cette reconstitution viendra à point nommé pour restituer tous les événements dans leur véritable contexte et, ainsi, je crierai haut et fort, en engageant cette opération de rectification, que personne n’a le droit de déformer l’Histoire, en donnant à nos enfants un autre visage de cette guerre atroce que nous avons vécue et subie avec courage et détermination. Car nos enfants, qui attendent beaucoup de nous, attendent surtout qu’on leur apprenne les meilleures valeurs qui nous ont conduits à recouvrer notre souveraineté nationale, sous les idéaux de la glorieuse Révolution de Novembre 1954.
Cette déclaration vous est destinée en premier lieu, Monsieur le journaliste Ted Morgan, de même qu’elle est destinée à tous ces «autres» qui s’évertuent dans la palabre sans pouvoir apporter un iota de vérité, en arborant ne serait-ce qu’une preuve irréfutable de leurs déclarations faites, souvent, au cours de conciliabules interlopes.
Quant à moi, Monsieur le journaliste Ted Morgan, et sans vouloir me justifier pour autant, car j’ai la conscience tranquille et l’âme sereine, devant le Tout Puissant Seigneur, je vous convie à préparer votre arme de défense car, pour ce qui me concerne, j’ai l’intention d’utiliser les voies légales contre vous, pour défendre mon honneur et l’honneur de mes compagnons, qui ne sont plus de ce monde et qui ont consenti le sacrifice suprême.
Mais, dans le cas où vous n’accepteriez pas ce défi ou cette confrontation – c’est selon –, faite amende honorable et demandez pardon ! Non pas à moi seulement, mais à tous les patriotes de mon pays, par les moyens que vous jugerez utiles. Cessez votre campagne de diversion, une campagne fallacieuse et savamment préparée dans des officines spécialisées de la guerre psychologique, pour occulter les véritables responsables du drame algérien, d’insatiables criminels qui, eux, doivent être traînés devant les tribunaux, à l’image de celui de Nuremberg, pour crimes de guerre ou crime contre l’humanité !
Yacef Saâdi
Responsable politico-militaire de la Zone autonome d’Alger
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