HIICE : pourquoi Bouteflika refuse nos propositions ?
Par Smaïl Saïdani – En homme averti, Bouteflika a bien perçu le sens des propositions de l’opposition concernant les élections à venir. Il en a mesuré les dangers, sachant que le peuple, s’il fait semblant de ne pas s’intéresser à la chose politique, hait son modèle de gouvernance et tout ce qui va avec (partis, associations, personnalités). Pour perpétuer «sa» postérité, il n’a pas trouvé mieux que de constitutionnaliser la haute commission chargée expressément de valider «la fraude», tout juste le contraire de ce que proposait l’opposition. En effet, à la lecture des recommandations contenues dans la plateforme de l’opposition remise à au directeur du cabinet de la Présidence et chef du RND (Ouyahia), ces recommandations insistaient sur la création d’une instance indépendante «de l’exécutif» et dont l’ensemble des membres y compris son président devrait être élu, chacun par sa corporation (conseil, ordre) et non désigné comme veut l’imposer le Président et ses partis larbins et fraudeurs. L’opposition voulait d’une instance à composante réduite, pour plus d’efficacité (10 à 11 membres), le Président cherche à créer une «galerie» de 410 tubes digestifs. L’opposition voulait d’une instance indépendante, tandis que le Président veut imposer ses hommes à lui.
Ce que propose l’opposition et ce qu’impose le Président
Regroupée pour la première fois depuis l’indépendance sous le même chapiteau à Zéralda, le 10 juin 2015 (partis politiques, société civile, personnalités), l’opposition toutes tendances confondues, après analyse de la situation générale, est arrivée à s’entendre sur une feuille de route de sortie de la crise dont est responsable le pouvoir issu des viols successifs de la Constitution et des fraudes électorales. Cette feuille de route de sortie de la crise de confiance (pouvoir-opposition-citoyen) insistait sur un point fondamental : l’institution d’une «instance indépendante» des élections et référendum.
Instance indépendante par rapport à qui et pourquoi ?
De la bouche même du Président et de ses deux lieutenants que sont Saïdani et Ouyahia, les élections en Algérie n’ont jamais été propres, honnêtes et légales. Il est tout à fait inadmissible que dans un Etat dont la Constitution garantit théoriquement la séparation des trois pouvoirs, un des trois pouvoirs, entendre l’exécutif (intérieur, justice) puisse gérer une opération qui concerne un autre pouvoir (législatif) sans en altérer les résultats au profit de son ou ses partis. Saïdani parle de quotas et Ouyahia de concussion et argent sale, et Bouteflika de fraudes à la Neaglen. C’est pour plus d’équité et de probité que l’opposition dans ses propositions insistera sur un point essentiel. L’ensemble des membres de l’instance devrait être élu et non coopté.
Le Parlement : auguste instance ou sinistre vaguemestre ?
Pour contrer les propositions de l’opposition qui allaient sonner la fin de la gabegie politique, le pouvoir occulte se mettra à l’œuvre. Préparer dans ses chambres noires tout un arsenal juridique anticonstitutionnel et antinational. Il accouchera primo d’un texte éliminatoire des partis dûment agréés par la force de la Constitution en imposant un seuil même aux partis nouvellement créés, allant à l’encontre du principe universel de non-rétroactivité de la loi et secundo, en instituant une «haute commission, non pas de contrôle, mais plutôt de couverture légale de la fraude, bien évidement au seul profit des partis-appareils (FLN/RND), dont le premier confisque un des attributs essentiels de la Révolution, propriété du peuple, et le second né et maintenu par la fraude.
Pourquoi le Président ne tient-il pas ses engagements ?
Tous les Algériens se souviennent de son discours, celui prononcé le 8 mai 2012 à Sétif, à la veille des législatives. Ce jour-là et publiquement, il avait reconnu «la fraude» électorale. Les élections à la Neaglen, c’est fini, avait-il dit tout haut. Lui emboîtant le pas, ses deux porte-voix (Ouyahia et Saïdani) confirmeront les dires de leur maître. Pour le fils du sable, auto-expatrié à Neuilly, les sièges à l’APN répondaient au critère des quotas en fonction du degré d’allégeance et/ou servilité. Et au directeur du cabinet du Président d’enfoncer le clou. Publiquement, il accusera son alter ego, le FLN, d’avoir usé de l’argent sale, de la chkara, allant jusqu’à déterminer le montant des concussions. Entre 7 et 10 milliards. Ce ne sont pas les paroles d’une coiffeuse (?), mais d’un VIP. Qu’a fait la justice ? S’est-elle autosaisie ? Des accusations d’une telle importance ne devraient pas passer inaperçues. Hélas !
Les deux textes sont déposés au Parlement, ce vaguemestre de la République dont la mission n’est plus de contrôler l’action du gouvernement, mais bien d’y apposer le sceau de la démocratie sur des textes qu’il n’a le droit ni de discuter encore moins amender ou refuser. Les pseudo-représentants du peuple, tout heureux, n’ont plus qu’un seul rôle, se remplir la panse (restaurant) et lever haut les mains.
Une haute commission de contrôle composée de 410 membres
C’est quoi ce cheptel ? 410 tubes digestifs à prendre en charge par ce temps de vaches maigres ? 410 gros bébés pour remplir une autre crèche pour adultes avec pour mission de «légitimer la fraude». Qui contrôlerait-elle ? L’administration (pouvoir exécutif) source de tous les dépassements avant, pendant et après les scrutins ? Elle en est un appendice. Se sentant de plus en plus lâché par l’extérieur sur lequel il a basé sa stratégie d’abuser du pouvoir et par la population qui ne croit plus au messie, le pouvoir absolutiste cherche plutôt à verrouiller par des moyens peu orthodoxes le champ politique à son seul profit et au profit de sa clientèle. Alors, pour contrer l’opposition qui voudrait des élections propres, honnêtes et crédibles, proposer une haute commission. Une véritable soupape de sécurité dont la mission est empêcher toutes formes de fraude électorale, ce qui redonnera peu à peu au citoyen l’envie de renouer avec l’acte civique et participer indirectement à la construction de la grande maison Algérie sur des bases de probité, de loyauté et d’équité.
J’incarne le peuple, je fais ce que bon me semble
Le Président a un penchant formidable pour la cooptation. Il ne s’en prive pas, chaque fois qu’il en éprouve le besoin. La famille, les amis, les copains… Peu importe les qualités morales et intellectuelles. Peu importe la probité, la compétence. Seuls critères, l’allégeance, la servilité. Pour preuve, le Conseil constitutionnel, le Parlement où se retrouve Amar Ghoul, un homme qui personnifie la faillite. Il n’en est pas le seul. D’autres qui ont saboté, qui l’éducation, qui l’agriculture, qui la santé, qui le sport, ont eux aussi été remerciés pour… faillite. Le Sénat est devenu un lieu, un centre de repos de tous les faillis du système.
Pour parer à tous les imprévus, lors des joutes à venir, le Président et son entourage ont décidé de tout verrouiller. Seuls les bons serviteurs seront récompensés et feront partie de l’aréopage devant meubler la future haute commission chargée d’organiser la fraude électorale, avant par l’accréditation des listes, pendant la campagne en fermant les yeux sur l’usage de l’argent sale et toutes autres formes de dépassements et enfin par la répartition des sièges selon le degré d’allégeance et de larbinage. Selon le texte en cours de validation, la composante de celle-ci sera constituée pour moitié de magistrats et pour moitié de compétences nationales.
Qui sont-ils ? Quel rôle joueront-ils ?
Par magistrats (205), il faut entendre ceux qui ont déjà fait preuve de «bonne» conduite lors des élections législatives de 2012 et des présidentielles de 2014. C’est juste la forme qui change. Qui ne doute pas de la probité de ces magistrats désignés ? Les partis politiques ? La presse indépendante ? Le citoyen lambda ? Comment ne pas douter de l’alignement de ces magistrats «désignés» compte tenu du passif que véhicule la commission des juges (2012-2014), qui avait cautionné de bout en bout les différentes étapes de ces élections. Tout le monde a vu les fraudes et dépassements sauf la commission des juges qui n’a rien vu, rien entendu, rien constaté. Pour elle, tout était nickel, contrairement au rapport de la commission politique (partis) et celui établi par les observateurs de l’Union européenne qui avaient remis à la Présidence un rapport énumérant pas moins de 39 cas de dépassements et fraudes lors des législatives.
Et puisque le pouvoir ne voulait pas prendre en considération ces remarques, l’UE avait décliné l’invitation qui lui avait été faite pour les présidentielles, pour ne pas faire dans le «faux témoignage». Les raisons qui ont emmené l’opposition à réclamer une instance indépendante sont la conséquence logique qu’en Algérie, il n’existe qu’un seul pouvoir. Omniprésent et omnipotent, celui-ci domine et le pouvoir législatif transformé en chambre d’enregistrement et le pouvoir judiciaire chargé de l’homologation des décisions prises par le cabinet exécutif. Cette soumission et allégeance à l’exécutif, les Algériens l’ont bien entendu. Lors du traitement du scandale du siècle, séance tenante, le juge qui présidait les débats avait dit reconnu être incapable de convoquer pour comparution un ministre. Qu’il n’était qu’un petit juge. La non-autosaisine dans les affaires d’enrichissement illicite, les blanchiments d’argent, les trafics de change suivis d’exportations frauduleuses, l’enrichissement illicite… toutes ces affaires n’ont pas fait bouger la machine judiciaire. Par contre, dans des affaires commerciales licites, faites au-devant d’un officier public du rang de magistrat (notaire) conformément au code commercial, c’est toute la machine qui s’est mise en branle.
Evidemment, si Nessprod faisait partie du FCE et versait la dîme, l’opération aurait été plutôt la bienvenue. Nous aurions bien applaudi si la machine judiciaire qui devrait être égale pour tous s’autosaisissait contre ces pseudo-officiels en poste cités directement ou par descendance pour certains dans des acquisitions de biens immobiliers à l’étranger avec ouverture de comptes illicites dans les paradis fiscaux. Ne sont-ils pas coupables vis-à-vis du fisc pour dissimulation de richesse, blanchiment d’argent, trafic de change et exportations frauduleuses Benchicou, alors qu’il transportait son propre argent vers l’Algérie (Paris-Alger) avait été inculpé et condamné à deux longues et douloureuses années dans les geôles de Zerhouni qui l’avait averti. «Tu paieras ton livre.» Rebrab, parce qu’il refuse de se soumettre au diktat des nouveaux nababs, risque sans état d’âme de connaître le même sort. On lui a déjà fait perdre quelque 400 milliards. Les Chakib, Bouchouareb, Saïdani, Ghoul, et tout le reste du clan, peuvent disposer comme bon leur semble des biens du peuple, en jouir et y jouir, qui à Paris, qui à Londres, Washington et ailleurs, sans aucun souci. Les partis de l’opposition sont confortés plus que jamais qu’il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Que l’abus s’est généralisé. Qui n’est pas avec lui est contre. Il faut l’abattre. Telle semble être sa devise.
Comment ne pas en prendre compte, lorsque des hommes de loi (50 avocats), soutenus par le premier représentant de «Son Excellence», Ksentini pour ne pas le nommer, déclarent publiquement que le pouvoir judiciaire est soumis aux ordres et injonctions du pouvoir exécutif. Que nous reste-t-il, nous partis politiques opposants, à attendre de magistrats désignés. Par panel de compétences (205), représentant la société civile, désignées par le Cnes, ce sont en fait des représentants des organisations budgétivores du pouvoir que sont l’UGTA, l’UNPA, l’UNFA, les fonctionnaires, etc., des flagorneurs, courtisans et larbins du roi et/ou du prince, dont le seul sport qu’ils savent pratiquer est celui de faire plaisir au maître des lieux. Et puis depuis quand ce «machin», le Cnes, est-il devenu si compétent ? En dehors des rencontres cycliques avec le gouvernement dans des opérations «photo souvenirs», peut-on nous énumérer au moins une seule bonne action qu’il a faite. Du vent dans les filets.
Nos propositions et celles du pouvoir
La distance qui sépare les deux propositions est énorme. Nous voulions d’un organe totalement indépendant de l’exécutif (présidence- intérieur-justice), avec une composante souple, mais efficace, et dont l’ensemble des membres devrait être élu chacun par l’organisation de laquelle il relève – HCM,Ordre des avocats, Cnes (enseignement supérieur), Ordres des experts. Le pouvoir, lui, cherche à désigner «ses» hommes de main. Son président, nous le voulions élu par les membres de l’instance. Le Président veut choisir «son homme», une marionnette comme le furent Béjaoui et Teguia…), des faire-valoir, des authentificateurs de la fraude. L’exemple le plus ridicule est personnifié par le Conseil constitutionnel. L’opposition le voulait restreint. Le Président veut en faire une galerie (souk de gros). Nous estimons qu’il devrait compter entre huit à dix membres, tous élus et remplissant des critères d’éligibilité rigoureux. Le Président veut avoir un cheptel de 410, tous pris en charge par le budget de l’Etat au moment où le pays s’enfonce dans la tragédie de l’après-pétrole.
Nous voulons de compétences aux critères rigoureux :
– être électeur;
– être âgé d’au moins 40 ans ;
– jouir des droits civils et politiques ;
– répondre aux critères d’intégrité, d’indépendance et d’impartialité ;
– n’ayant aucun lien organique avec les partis politiques depuis au moins dix années.
Sa composante devrait comporter 10 à 11 membres tels que défini ci-après :
– deux juges élus par le Conseil supérieur de la magistrature ;
– deux avocats élus par l’ordre national des avocats ;
– un professeur d’université spécialisé en droit public élu par le Cnes (enseignement supérieur) ;
– un professeur d’université en droit constitutionnel élu par le Cnes (enseignement supérieur) ;
– un spécialiste en informatique avec une expérience dans le logiciel et dans le domaine des systèmes informatiques et de sécurité d’au moins dix ans d’expérience (suivi du fichier national) ;
– un à deux experts des médias, de la propagande et de la publicité ayant une expérience d’au moins cinq années ;
– un expert-comptable élu par l’Association nationale des experts, ayant une expérience d’au moins dix ans ;
– un professeur en sociologie.
Ces membres se réunissent de plein droit et élisent parmi eux le président, un ou deux vice-présidents et attribuer à chaque membre sa fonction au regard de sa spécialisation. L’instance établira son cahier des charges soumis au vote. L’instance jouit de la personnalité juridique, de l’autonomie financière et administrative.
Mission de l’instance
Sa mission principale consistera à superviser les élections et référendums à venir de telle sorte que ceux-ci devraient se dérouler de manière démocratique, libre, pluraliste, équitable et transparente loin de toutes interférences de l’exécutif (intérieur et Justice). En relation directe avec les services administratifs (ministères et collectivités locales), elle sera chargée de :
– la tenue du registre des électeurs sur une base continue en collaboration avec tous les ministères et institutions publiques ;
– superviser les révisions périodiques des listes électorales pour chaque élection ou référendum ;
– veiller à garantir le droit de vote pour tous les citoyens et les citoyens ;
– assurer l’égalité de traitement entre tous les électeurs, tous les candidats et tous les acteurs lors des opérations de vote ;
– mettre au point des mécanismes de réglementation, de gestion et de contrôle garantissant la transparence et l’intégrité des élections et des référendums ;
– assurer le bon dépouillement des votes et l’annonce des résultats préliminaires et définitifs des élections et des référendums ;
– élaborer un code de bonne conduite garant définissant les principes d’intégrité, de transparence, d’impartialité et du bon emploi des deniers publics et l’absence de conflits d’intérêts ;
– accréditer des représentants des candidats, des observateurs, des journalistes, locaux et étrangers, ainsi que celle des invités et des traducteurs qui travaillent avec eux dans les bureaux de vote à l’étranger ;
– arrêter la composition des superviseurs ;
– définir les programmes de sensibilisation et d’éducation électorale. Une coopération dans ce domaine doit être établie avec toutes les composantes des partis politiques, de la société civile, actives dans le domaine des élections nationales et internationales ;
– définir les règles des campagnes électorales, surveiller et prendre les décisions nécessaires pour imposer le respect de la loi ;
– surveiller le financement public des campagnes électorales et prendre les décisions nécessaires en prenant soin de l’égalité entre tous les candidats ;
– pour le bon développement du système électoral, soumettre chaque fois que cela est utile des propositions aux partis politiques, à faire adopter par le Parlement ;
– d’exprimer une opinion à tous liée aux élections et les référendums des projets de textes ;
– préparer un rapport spécial sur l’état d’avancement de chaque processus électoral ou référendum au plus tard trois mois à compter de la date de l’annonce des résultats définitifs présentés au président de la République et le Parlement pour approbation, et publié au JORADP et sur le site web de l’instance ;
– en matière de transparence, préparer un rapport annuel sur l’activité de l’instance pour l’année écoulée et le programme de travail pour l’année qui va suivre, à présenter au Parlement à l’occasion du vote du budget annuel qui sera impérativement publié au JORADP et sur le site officiel de l’instance.
Telles sont nos propositions qui ne semblent pas arranger les affaires des amateurs en eaux troubles.
Le plus tôt serait le mieux
Telle est la devise de Jil Jadid. Nous sommes prêts à l’aider à trouver la solution idoine lui permettant de partir. Le plus tôt serait le mieux. Il est exclu pour nous de donner à un pouvoir failli une nouvelle légitimité. Il est exclu pour nous de l’accompagner. S’y acoquiner serait une trahison à notre serment. A nos principes. A notre volonté de changement.
Ils ont failli, ils assument
En fait, c’est quoi un failli ? N’est-ce pas un responsable qui après avoir usé et abusé d’un bien commun se dirige tout droit vers les récifs, tel le Titanic. Et que prévoient les lois divines et celles positives à l’égard d’un prodigue ? N’est-ce pas l’interdiction de toutes actions de gestion sur ses propres biens sans compter la perte même de ses droits civiques. C’est qu’un prodigue est assimilé à un fou. Ils le disent bien. Ils assument la faillite dans la gestion du pays. C’est quand même un ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, qui le dit haut et fort qu’ils ont été incapables et qu’ils sont tous responsables de cette situation de faillite, de gabegie.
S. S.
Cadre Jil Jadid
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