La triche et l’argent plus forts
Par Kamel Moulfi – Dans le maquis des chiffres donnés par le ministère de l’Education, sur les résultats de l’examen du bac 2016 et du concours national pour le recrutement de 28 000 enseignants, l’analyse n’est pas évidente. On doit faire un gros effort pour y voir clair, si on veut porter une appréciation sur le rendement du système éducatif national, sur son niveau, sa qualité et son efficacité. Deux pourcentages émergent, comme la partie visible d’un iceberg. Ils sont tous deux au-dessous du 50% : l’un concerne le taux de réussite au bac des candidats scolarisés, 49,79 %, et l’autre représente la proportion de contractuels par rapport au nombre de lauréats du concours de recrutement d’enseignants (écrit et oral), 43%.
A l’épreuve écrite de ce concours, sur 677 856, seuls 148 000 ont été reçus, un taux de 25%, qualifié d’«acceptable» par la ministre. Après l’oral, les enseignants contractuels ont constitué 43% des reçus, un taux implicitement présenté comme «acceptable», là aussi, alors que ce n’est que grâce au «facteur expérience professionnelle», ajouté à leurs dossiers, que cette «performance» a été possible. Pour le bac, au ministère de l’Education, les responsables trouvent, encore, que 49,79 % est un taux «acceptable». Le mot «inacceptable» dans l’appréciation du bilan de l’année scolaire semble tabou. Or, tout ne va pas pour le mieux dans nos écoles qui sont immergées, ne l’oublions pas, dans une société traversée par un fort courant d’incivisme et contraire aux valeurs du travail et du mérite.
Le principal indicateur de l’état du système éducatif a été fourni, cette année, par l’ampleur de la fraude provoquée par les fuites massives de sujets à partir de l’institution elle-même. Réussir en trichant, un grand nombre de candidats a été tenté de le faire, influencé par les exemples de prospérité acquise par la fraude et plus précisément la corruption et le détournement de fonds, impunis. Dans le corps enseignant, la pratique des cours de soutien, véritable école parallèle qui se nourrit de l’indigence de ce qui est dispensé en classe, est devenue une bonne mais scandaleuse affaire commerciale. Gagner plus, en violation de la conscience professionnelle ; l’attrait de l’argent créé par la société est plus fort.
Tant que le modèle de réussite sociale qui domine est celui du parvenu, délinquant rapidement enrichi qui étale aux yeux de tous les signes de «sa» richesse, et non pas celui du citoyen honnête, travailleur méritant, aucune réforme ne sauvera l’école.
K. M.
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