Mebtoul remet en cause l’optimisme de Bouchouareb
Le professeur Abderrahmane Mebtoul a étrillé le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, auquel il reproche de cacher le soleil avec un tamis en omettant de dire la vérité aux Algériens. Dans une longue contribution adressée à Algeriepatriotique, ce professeur, qui intervient souvent dans les débats publics sur l’économie nationale, a relevé l’écart entre l’action prononcée par le ministre de l’Industrie et les dernières orientations du président de la République qui ont, selon lui, le mérite d’être claires. Ces orientations ont été expliquées par le Premier ministre, a souligné Pr Mebtoul, «dans un discours de vérité». Pour ce professeur, le ministre de l’Industrie contredit tout simplement le président de la République qui appelle à une véritable diversification économique.
Le professeur Mebtoul reproche ainsi à Abdesselam Bouchouareb le fait d’avoir axé son travail sur le développement des matières premières (ciment, mines…) pour réduire la facture des importations. Il assure que de nombreux observateurs ont montré qu’un pays qui axe son développement sur les matières premières a «peu d’avenir» économique. Le professeur Mebtoul considère dans ce sillage que les nouvelles technologies de construction au niveau mondial sont apparues avec des économies d’énergie, de ciment à béton et que les micro-unités de voitures à usage local auront un impact limité sur la balance commerciale. Ces unités peuvent même, d’après lui, gonfler la facture des importations avec l’importation des accessoires et des matières premières, qui ont représenté plus de 17 milliards de dollars en 2017.
Le professeur Mebtoul affirme ainsi qu’avec le dérapage accéléré du dinar, l’industrie de montage risque d’être beaucoup plus coûteuse que l’importation du produit fini. Cela en raison de l’absence de la sous-traitance et du fait que tous les composants viennent du marché extérieur. Ce professeur poursuit en affirmant que les discours irréalistes ne portent plus et discréditent ceux qui les colportent. «Le ministre vit-il en Algérie et connaît-il réellement la situation réelle du pays et les futures tendances énergétiques mondiales où l’Algérie est tributaire du cours des hydrocarbures avec les dérivés à 97/98% ?» s’est-il demandé, en soulignant que la reprise des prix du pétrole ne sera pas de sitôt.
En se référant aux données officielles, le professeur Mebtoul atteste que le taux de couverture des importations par les exportations est passé entre 2015 et 2016, pour les cinq premiers mois, de 68% à 50%. Ainsi, il se demande si le gouvernement pourrait continuer dans sa politique de subventions généralisées et non ciblées. «Outre le risque de tensions au niveau des caisses de retraite, la demande d’emplois entre 300 000-350 000/an nécessite un taux de croissance en termes réels (devant raisonner à prix constants et jamais à prix courants) de 8/9% pendant 5 à 10 ans pour réduire les tensions sociales», a-t-il relevé, assurant que la dynamisation des sections hors hydrocarbures n’interviendra pas avant 2020. Le professeur a souligné que l’Algérie a fonctionné de 2013 à 2014 avec un baril de pétrole de 115 à 120 dollars. Avec le prix actuel du baril de pétrole, il est très difficile de faire fonctionner l’Etat. Ce qui est encore pour lui utopique, c’est de réduire en trois ans les importations de 30 milliards de dollars.
Le professeur Mebtoul dit recommander au ministre de l’Industrie de lancer une sérieuse réflexion sur la dynamisation du secteur productif, en s’appuyant sur ce qu’il y a de mieux en entreprises publiques et privées. «D’une manière générale, chaque ministre en cette situation difficile doit réfléchir avant de faire des déclarations hâtives émotionnelles, d’où l’urgence d’une cohérence gouvernementale sans faille et d’un porte-parole officiel du gouvernement», a-t-il plaidé, considérant que l’Algérie n’a pas besoin de se jeter dans les bras du FMI. Il suffit, selon lui, que le gouvernement dispose d’une vision stratégique et cohérente. Pour le professeur Mebtoul, l’Algérie doit profiter de sa relative aisance financière, dette extérieure très faible, et bien utiliser ses réserves de change en transformant cette richesse virtuelle en richesses réelles, de libérer toutes les énergies créatrices, et donc de réaliser la transition difficile vers une économie hors hydrocarbures. «Ayons une vision positive pour l’avenir par un discours de vérité afin de mobilier la population.»
Sonia Baker
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