Afrique : l’Algérie appelle à éliminer les sources de crises
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a affirmé, samedi à Kigali (Rwanda), que le meilleur moyen d’assurer l’autonomie financière de l’Union africaine (UA) des opérations de soutien à la paix en Afrique passe «fondamentalement par la réduction, voire l’élimination des sources de conflits et de crises dans le continent». «S’agissant de la question de l’appropriation par l’UA du processus de financement et de prise en charge de 25% du financement des opérations de soutien à la paix en Afrique, le meilleur moyen d’assurer l’autonomie de l’Afrique à cet égard passe fondamentalement par la réduction, voire l’élimination des sources de conflits et de crises en Afrique, que traduit l’objectif stratégique de la vision de l’organisation et de son Agenda de développement 2063, de «Faire taire les armes d’ici 2020», a indiqué M. Sellal dans une intervention à la Retraite des chefs d’Etats et de gouvernement de l’UA. M. Sellal, qui représente le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, au sommet de l’UA (17 et 18 juillet en cours), a relevé que, selon certaines projections de la Commission de l’UA, le coût global des opérations de soutien à la paix «atteindra en 2020 deux milliards de dollars, dont le quart devra être financé par les Etats membres, représentant pour chacun des quatre gros contributeurs une contribution de 150 millions USD pour le seul volet OSP».
«Ceci renvoie à la question cruciale de la nécessité d’appréhender préalablement et avec précision la base de calcul des 25% retenue», a-t-il ajouté. Il a soutenu, à cet égard, la nécessité de «remettre en cause l’approche qui semble consacrée et prévaloir jusqu’à présent dans l’appréhension, en valeur absolue, de ces 25% qui s’avèrent absolument onéreux, contraignants et invraisemblablement envisageables pour les budgets des Etats africains, car devant se traduire concrètement en des contributions atteignant les centaines de millions, pour quelques opérations seulement». «Il est donc indispensable de traduire les 25% retenus en valeurs relatives, plutôt que dans l’absolu», a-t-il ajouté. Le Premier ministre a insisté, par ailleurs, sur «la nécessité de fixer un plafond de contributions à hauteur desquelles devraient être calculés et estimés les 25%, mais également sur l’impératif de répartir la prise en charge desdits 25% de manière égale entre tous les Etats membres et non pas sur la base du barème des contributions actuellement applicable». Il a relevé qu’«une démarche contraire, outre d’obérer disproportionnellement les budgets des Etats gros contributeurs, en particulier dans un contexte international marqué par la chute drastique des principales ressources de ces pays (pétrole notamment), lierait dangereusement la capacité de l’Union africaine à prendre en charge le financement de ses OSP à la solvabilité économique et financière des quatre pays assumant 60% du budget de l’organisation (Afrique du Sud, Algérie, Nigeria et Egypte)». M. Sellal a proposé, à ce titre, «la nécessité de réfléchir à des formules novatrices de financement des opérations de soutien à la Paix en Afrique, notamment la possibilité d’associer notamment les communautés économiques régionales (CDEAO, SADC…) et les grandes entreprises travaillant en Afrique».
Il a rappelé qu’il y avait à peine une année à Johannesburg «était décidé le principe du recours à des sources nationales additionnelles de financement de l’UA, ses programmes et ses activités, de manière à lui assurer l’autonomie financière requise pour la réalisation du projet continental de développement et d’intégration, dans un contexte particulièrement marqué par les difficultés rencontrées par les économies africaines». Il a insisté pour revenir, à cet égard, sur «le consensus qui a entouré, à la fois la consécration du principe selon lequel les Etats membres bénéficieront de souplesse dans la mise en œuvre des sources alternatives de financement, eu égard à leurs impératifs légaux, réglementaires et constitutionnels, mais également la nécessité de leur permettre de choisir parmi une variété d’options non exhaustives et non contraignantes et avoir des sources alternatives de financement avec la possibilité d’en ajouter de nouvelles». Il a insisté, à ce titre, sur le fait que «ces principes doivent constituer le fondement de tout exercice destiné à examiner les progrès réalisés ou les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des décisions sur les sources alternatives de financement de l’Union africaine, y compris le volet relatif aux opérations de soutien à la paix, dont les Etats membres assumeront le financement à hauteur de 25%, d’ici 2020».
Le Premier ministre a réitéré «la position constante de l’Algérie concernant la question de la mise en œuvre des sources alternatives de financement de l’UA, à savoir que la dotation de l’organisation de ressources suffisantes et prévisibles, loin de la dépendance aux financements extérieurs, requiert d’apporter des réponses préalables» à certaines problématiques. Il s’agit de «la mobilisation de ressources financières propres supplémentaires qui ne saurait valablement doter l’UA des moyens requis pour la mise en œuvre du projet continental de développement et d’intégration, en l’absence d’un mécanisme efficient de reddition des comptes et de contrôle efficace et crédible des processus budgétaires, financiers et administratifs de l’Union, garantissant l’utilisation optimale, rationnelle et responsable des ressources déjà existantes et traduisant une appropriation réelle par les Etats membres de la gestion et de l’utilisation des ressources financières disponibles». «La mobilisation de ressources financières propres supplémentaires est intrinsèquement liée à la question fondamentale du respect par les Etats membres de leurs obligations relatives au versement à temps de leurs contributions statutaires», a-t-il affirmé. M. Sellal a souligné, «qu’outre le fait de renvoyer à la question fondamentale du sérieux, de l’engagement politique et de la discipline dont doivent faire montre les Etats membres de l’UA en s’acquittant d’abord et à temps de leurs contributions statutaires annuelles, cet aspect renvoie également à la rigueur qui devrait présider à l’application du régime des sanctions contre les Etats qui n’honorent pas leurs engagements à temps, à son inefficacité, car trop flexible, voire laxiste puisque fournissant aux Etats membres une marge de manœuvre de deux années entières de non-paiement et à la nécessité urgente de sa refonte».
Il a rappelé, par ailleurs, la décision des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA sur les sources alternatives de financement de l’UA de procéder à la révision, tous les trois ans (à partir de 2014), de l’assiette de calcul des contributions des Etats membres (4% du PIB national) et dont il faudrait tenir compte dans les projections futures de mobilisation des ressources de financement. «Cette révision devrait systématiquement déboucher sur une réduction substantielle du montant de la contribution de certains Etats membres, au regard de la baisse vertigineuse des prix du pétrole», a-t-il ajouté. Il a appelé, dans le cadre de son partenariat stratégique avec les Nations unies, à faire en sorte que «l’UA ne se limite pas, comme c’est le cas jusqu’à présent, à recourir aux financements à caractère volontaire des partenaires internationaux, par essence imprévisibles, non pérennes et naturellement peu efficaces».
R. N.
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