Agir sur le terreau
Par Kamel Moulfi – Les médias français alimentés par les analystes et les experts qui commentent les premiers résultats de l’enquête et les témoignages sur le terroriste, auteur du carnage de la Promenade des Anglais, à Nice, le soir du 14 juillet, livrent à l’opinion publique une image d’un embrouillamini qui non seulement n’aide pas à voir clair, mais surtout renforce l’impression d’une psychose qui s’est emparée de la population. Tout est focalisé sur le profil de ce «loup solitaire» avec la question restée sans réponse : comment prévoir, chez quelqu’un d’à peu près «normal», en tout cas pas encore suspect, une radicalisation à la fois tardive, loin de l’âge de l’adolescence, et très rapide ne laissant pas le temps aux services de sécurité d’enregistrer le moindre indice, de toute façon de plus en plus imperceptible, de ce passage à l’extrémisme qui pousse à l’acte «djihadiste». Au profil «imprévisible», inconnu sur les fameuses fiches S, s’ajoutent le mode opératoire et l’«arme» du crime, relativement nouveaux et, en apparence, imparables, qui accroissent le sentiment d’impuissance constaté à travers les débats des experts et d’autres qui prétendent connaître ce milieu. Il ressort des débats que les groupes terroristes, en particulier Daech, ont su très rapidement s’adapter au profil de ces loups solitaires en détectant plus vite que les services de sécurité français leur potentiel djihadiste et à les faire agir très rapidement de la façon la plus pragmatique, sans avoir à mettre en marche l’organisation et la logistique habituelles dont les lourdeurs attireraient la vigilance des services de sécurité. Il faut reconnaître que, dans ces conditions, la traque du terroriste et sa neutralisation sont très difficiles, voire impossibles. Autrement dit, la démarche sécuritaire est très fortement limitée. En fait, il faut aller vers les causes réelles, en profondeur, sociales et pas forcément religieuses, qui créent les conditions favorables à l’émergence de cette catégorie de tueurs. C’est donc en amont qu’il est possible de réduire les motivations et tarir progressivement le terreau d’où surgissent ces criminels.
K. M.
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