Les terroristes islamistes s’adaptent plus vite que les services de sécurité occidentaux
La facilité avec laquelle des dizaines de civils sont massacrés sur le sol européen laisse planer le doute sur l’aptitude des services de sécurité occidentaux à endiguer la menace terroriste. L’Europe, qui semble découvrir le phénomène du terrorisme islamiste transfrontalier, pourtant vieux de plusieurs décennies, fait montre d’une inhabileté qui laisse supposer que de nombreuses autres tueries vont se dérouler dans plusieurs autres pays d’Europe dans les jours et les semaines à venir. Une situation qui démontre clairement que les groupes islamistes armés sont plus réactifs et plus perspicaces, changeant constamment de méthodes et adaptant leurs moyens aux circonstances du moment.
Le récent défilé du 14 juillet a définitivement confirmé le grand décalage entre les traditions militaires héritées de temps immémoriaux, et les nouvelles menaces qui nécessitent de nouvelles stratégies et de nouvelles armes. L’arsenal militaire exhibé par l’armée française lors de ce défilé devient obsolète face à un simple camion transformé, le temps d’un acte criminel abject, en un moyen efficace pour un assaut génocidaire, comme on l’a vu à Nice, dans le Sud de la France. Le paradoxe est tel qu’un avion de chasse, un char ou un navire de guerre qui grèvent les budgets des Etats, ne servent plus à grand-chose. La guerre a changé de visage et les tactiques pour y faire face sont, elles, restées figées.
L’Algérie : un cas d’école
L’expérience algérienne a démontré que le temps doit jouer en faveur de la lutte antiterroriste. Les premières années de la décennie rouge ont été difficiles pour les différents services de sécurité et l’armée qui ont, cependant, réorienté leurs méthodes en fonction de la nature de la menace. La situation fut alors vite inversée et la «peur changea de camp» dès que la guerre contre ce fléau devint totale, sans que les parasitages de certaines capitales occidentales qui hébergeaient les zélateurs du «djihad», aient pu perturber le travail remarquable de la police, de la gendarmerie, de l’armée et des services secrets, ou affaiblir la volonté des Algériens d’éradiquer les dernières poches terroristes.
En Algérie, la lutte contre le terrorisme est passée par plusieurs étapes. Les «afghans», appliquant les modus operandi appris dans les cavernes de Tora Bora auprès d’Oussama Ben Laden dont ils furent les fidèles lieutenants, commencèrent par s’en prendre aux forces de sécurité, encore vulnérables à l’époque, pour récupérer des armes. Plusieurs casernes furent attaquées et des barrages de police et de gendarmerie harcelés. La population, soit acquise aux islamistes, soit tournant le dos aux responsables politiques, commentait les événements sans se mêler à une «guerre» dont elle estimait qu’elle mettait aux prises deux protagonistes qui s’entretuaient pour le pouvoir. Il aura fallu que les éléments armés d’Abdelhak Layada – aujourd’hui libre – et Djamel Zitouni se retournent contre les civils, pour que l’ensemble des Algériens crient enfin, d’une seule voix, leur rejet catégorique de la violence islamiste.
Dans les maquis, les anciens moudjahidine (vétérans de la guerre de libération) reprirent les armes et traquèrent les terroristes retranchés dans des casemates qui leur servaient jadis de refuges durant la lutte armée contre la présence coloniale. Cependant que l’armée isolait les hordes sauvages en multipliant les frappes chirurgicales rendues possibles grâce à un remarquable travail de renseignement.
Dans les villes, les citoyens redoublaient de vigilance et signalaient tout mouvement suspect aux services de sécurité qui, désormais dotés des équipements adéquats et forts d’une grande expérience sur le terrain, intervenaient dans les minutes qui suivaient et neutralisaient les éléments armés affiliés à un des nombreux groupes terroristes – GIA, AIS, FIDA, GSPC, etc. – qui seront éliminés l’un après l’autre.
Une parfaite coordination entre les différents services de sécurité (le DRS à travers ses centres territoriaux de recherche et d’investigation et la Direction centrale de la sécurité de l’armée, les Renseignements généraux de la DGSN, les brigades territoriales de la gendarmerie) a permis de traquer, infiltrer et, ainsi, paralyser les noyaux durs et pulvériser les groupes terroristes.
Cette expérience, acquise après de longues années de lutte contre le terrorisme sans aucune aide extérieure, doit, aujourd’hui, servir de cas d’école pour des pays comme la France, la Belgique ou l’Allemagne qui subissent de plein fouet leurs erreurs géostratégiques et leur laxisme, voire leur soutien tacite et leur encouragemet implicite aux extrémistes religieux qui, croyaient-ils – ou feignaient-ils de croire –, durant toute la décennie 1990, menaient un combat «juste» contre une «junte militaire avide de pouvoir». Aujourd’hui, toute guerre contre Daech ne saurait être valable que si l’Occident s’appuie sur l’exemple algérien et reconnaît ses aberrations passées pour pouvoir affronter sérieusement et efficacement un ennemi qui se renforçait en même temps qu’il lui prêtait le flanc.
Karim Bouali
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