L’Algérie au centre d’un nouveau scandale
Par Sonia-Linda S. – Les noms de centaines de sociétés minières, gazières et pétrolières, soulevant des inquiétudes sur l’utilisation des paradis fiscaux pour exploiter les ressources du continent, figurent sur les fuites d’un nouveau fichier du bureau d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Douze des 17 entreprises visées par une l’enquête menée par les autorités italiennes en relation avec un deal pétrolier et gazier algérien d’un montant de 10 milliards de dollars ont été créés par Mossack Fonseca, y compris une entreprise décrite comme étant un «carrefour des flux financiers illicites»
Le nom de Farid Bedjaoui revient en force dans ces nouvelles révélations transcontinentales. L’homme qui gère ce réseau de sociétés algériennes offshore dirige toutes les opérations par le biais du cabinet d’avocats panaméen, soit à bord de son yacht, ou dans la cour de l’hôtel Bulgari à Milan, un palais rénové du XVIIIe siècle niché entre les jardins botaniques et le théâtre La Scala. Sur une période de cinq ans, plus de 100 000 dollars émanant de l’argent du pétrole et du gaz algériens ont été, apprend-on, alloués aux travaux d’aménagement de cet établissement luxueux.
Dans des suites d’un luxe extravagant, Bedjaoui recevait des responsables et des cadres du gouvernement algérien, et ceux de la firme Saipem, le géant italien de l’énergie. Au menu des discussions, à en croire des témoins entendus plus tard par les procureurs italiens, la conclusion de transactions de pots-de-vin avoisinant le montant de 275 millions de dollars, permettant en effet à la compagnie énergétique d’acquérir des marchés de plus de 10 milliards de dollars dans le cadre d’un projet de construction de pipelines de pétrole et de gaz dans le désert nord-africain sur les rives de la Méditerranée.
Les procureurs italiens affirment, une nouvelle fois, que pour déplacer l’argent de la corruption entre les pays, Bedjaoui a utilisé un groupe de sociétés offshore qui lui a garanti, bien évidemment, l’anonymat et lui a surtout permet de protéger les opérations de contrôle. Ces révélations ont été rendues possibles grâce à l’examen des dossiers internes du cabinet d’avocats par le Consortium international des journalistes d’investigation et d’autres médias partenaires.
Les enquêteurs italiens présentent une de ces sociétés, en l’occurrence Minkle Consultants S.A., comme un «carrefour des flux financiers illicites» qui canalise des millions de dollars, émanant de sous-traitants à un éventail de destinataires dont les identités sont encore en cours d’identification. Les enquêteurs accusent Bedjaoui d’avoir eu recours à une de ces compagnies montées de toutes pièces par le cabinet d’avocats pour reverser une cagnotte dont le montant dépasse les 15 millions de dollars à des associés et aux membres de la famille d’un ex-ministre algérien de l’Energie.
En tout cas, la justice italienne a engagé des poursuites contre Farid Bedjaoui, pour des faits liés, notamment, à des affaires de gonflement de contrats au profit de responsables algériens, qui ont bénéficié d’une part de ces contrats, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de «Monsieur 3%». Cette procédure à son encontre a été engagée après la découverte par la police, lors d’un raid, d’un rapport griffonné dans le service administratif du Bulgari hôtel.
Bedjaoui, le neveu de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, vit actuellement dans une communauté fermée de Beverly Hills version Dubaï. Il n’a jamais souhaité répondre aux demandes répétées de l’ICIJ, l’invitant à se prononcer sur les éléments contenus dans les Panamas Papers, l’impliquant dans des affaires de corruption. Lors de précédents contacts avec les médias, ses avocats ont nié en bloc toutes les accusations sur son implication dans tout acte répréhensible, insistant qu’en tant que diplômé dans le management, il n’a jamais exercé une quelconque influence sur l’élite politique, militaire ou le monde des affaires en Algérie pour coordonner un système de corruption de 275 000 000 de dollars.
Ce qu’il faut surtout retenir sur l’ampleur de ces affaires, entre 2004 et 2013, l’Algérie était le pays qui avait la deuxième plus grande réserve pétrolière en Afrique. Mais qui a perdu une moyenne de 1,5 milliard de dollars par année à travers l’évasion fiscale, la corruption, les pots-de-vin et la criminalité. Le groupe de recherche Global Financial Integrity estime qu’au moins 50 milliards de dollars s’évaporent chaque année à travers le continent noir en raison essentiellement des flux d’argent illicites, l’Algérie en est un exemple phare dans ce domaine.
De Londres, S.-L. S.
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