Dalil Boubakeur réclame l’aide des Algériens
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a appelé mercredi à Paris les autorités religieuses algériennes à soutenir les actions de réforme pour la bonne compréhension de l’islam qu’il compte lancer prochainement en France.
«Nous prévoyons une réforme (el-islah) dans les institutions de l’islam en France, selon les préceptes du Coran, à l’image du mouvement algérien d’El-Islah entrepris par l’Association des oulémas musulmans», a-t-il expliqué dans un entretien à l’APS au lendemain de l’attentat contre une église qui a coûté la vie à un prêtre catholique dans le nord-ouest de la France. «Nous souhaiterions que les frères d’Alger nous apportent leurs compétences. Ils ont, de par leur histoire, la formation et la connaissance de l’islah», a-t-il expliqué, saisissant cette occasion pour lancer une invitation aux oulémas et chercheurs algériens en islam pour animer des conférences à la Grande Mosquée de Paris.
«La réforme, qui est séculaire, que nous voulons en France, se base sur la connaissance, la culture, l’histoire, les véritables pratiques cultuelles, le fiqh et la sunna. Les institutions de l’islam doivent bénéficier de la réflexion des musulmans par eux et pour eux, sans aucune autre intervention. C’est aux musulmans de réformer la vision et la pratique religieuse, telles qu’elles sont en vigueur actuellement dans la société musulmane», a soutenu le docteur en médecine natif de Skikda (Algérie).
Pour une transposition de l’islah algérien en France
Il a souligné dans ce sens que cet islah, qui a été mené en Algérie, sera transposé en France par rapport aux français musulmans «qui n’ont pratiquement aucune information, aucune culture et encore moins de compréhension sur le message coranique en matière d’islah», mettant en valeur la religion musulmane qui «s’adapte à tous les temps et lieux». C’est dans cette optique qu’il souhaite établir des liens solides entre la Grande Mosquée de Paris et le Haut Conseil islamique algérien, rappelant par ailleurs qu’il a demandé aux pouvoirs publics français d’aider la Grande Mosquée de Paris dans ses efforts de transmettre «la véritable image» de l’islam.
Au sujet de la sécurité des lieux de culte en France, après l’attentat de mardi dans une église à Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, Dalil Boubakeur a jugé que le dispositif sécuritaire existant actuellement est «insuffisant», indiquant qu’il a demandé, au cours de la réunion qui a regroupé mercredi les représentants des cultes en France avec le président François Hollande «un supplément de sécurité». «Nous avons demandé à cet effet un supplément de sécurité. C’est bien d’avoir constaté aujourd’hui (mercredi) des agents de sécurité armés aux alentours de la mosquée. Nous demandons pour qu’ils soient tout le temps présents et, pour ce qui nous concerne, nous avons renforcé l’édifice de vigiles», a-t-il ajouté, affirmant que la vision des choses que veulent les terroristes l’apparenter à l’islam «est une catastrophe pour les musulmans, notamment ceux vivant dans les pays occidentaux».
«Les musulmans sont inquiets en France à cause de cette volonté de les assimiler et amalgamer avec les éléments l’organisation terroriste Daech, qui sont nés en France et qui pratiquent le terrorisme.» «Ils ne respectent rien, et personne, ni les femmes, ni les hommes, ni les enfants. Dans l’attentat de Nice, il y a eu parmi les 84 personnes tuées une trentaine de musulmans. La première victime était une femme musulmane habillée d’un djilbab (burqa)», a-t-il dit.
La Grande Mosquée de Paris : ne rien faire dans la solitude
Au sujet de l’amalgame entretenu en France entre l’islam et le terrorisme, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a indiqué que «les personnes en France qui ne comprennent pas l’islam croient que ce que fait Daech en prononçant des « Allah Akbar » (Dieu est Grand) à chaque acte terroriste et se référant à des versets du Coran, c’est l’islam», précisant que l’institution qu’il dirige ne peut rien faire seule devant la prolifération des mosquées proches des courants wahhabite et salafiste qui prônent la violence.
«Tous les intellectuels musulmans vivant en France ou enseignant dans des universités françaises nous laissent seuls, ils ne sont jamais venus dans notre mosquée étaler, exposer leurs connaissances de l’islam, dans le cadre de conférences et débats», a-t-il reproché, souhaitant que les savants algériens viennent à Paris pour «apporter leurs compétences et des livres de référence». «Il ne faut pas qu’on travaille au sein de la Mosquée de Paris dans la solitude. Il faut que nos frères en Algérie nous aident», a-t-il conclu.
R. N.
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