Les deux raisons principales qui empêchent une lutte antiterroriste efficace en France

Valls et Sarkozy. Réunis par un match de football, divisés face au terrorisme. D. R.

Le Premier ministre français vient de déclarer, dans un entretien au journal Le Monde, qu’il était temps d’interdire le financement de l’étranger des mosquées en France. Manuel Valls répond ainsi, en quelque sorte, aux mises en garde répétées du recteur de la Grande Mosquée de Paris et de nombreuses personnalités religieuses musulmanes qui n’ont eu de cesse d’alerter les autorités de ce pays sur le danger que représente l’«islam des caves», comme l’avait qualifié le Dr Dalil Boubakeur au lendemain des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Manuel Valls préconise «une nouvelle relation avec l’islam de France», sans préciser quels seraient les contours de cette approche inéprouvée. Mais il va de soi que le Premier ministre français vise les foyers de l’islamisme radical jusque-là tolérés aussi bien en France que dans tous les pays occidentaux qui ont, pendant très longtemps, servi de base de repli aux commanditaires des groupes terroristes qui massacraient en Algérie.

Vœu pieux ou volonté politique réelle de bannir la mésalliance suspecte entre les capitales occidentales et les tenants du discours extrémiste parmi les alliés les plus privilégiés de la France et de l’Occident en général ? Paris, qui continue de mettre en avant ses intérêts économiques et financiers, aura-t-il le courage d’aller jusqu’au bout de sa nouvelle doctrine et couper ses liens avec l’Arabie Saoudite qui est la matrice principale du terrorisme islamiste dans le monde ? «Cette guerre, qui ne concerne pas que la France, va être longue et nous allons connaître d’autres attentats», a, encore une fois, averti Manuel Valls, qui adopte une posture ambiguë. «Mais nous allons la remporter», enchaîne-t-il, comme pour se rattraper. «Car, dit-il, la France a une stratégie pour gagner cette guerre». La stratégie de Valls ? «Nous devons, d’abord, écraser cet ennemi à l’extérieur». Le Premier ministre français balaie, ainsi, toute idée de se retirer d’Irak ou de cesser de s’ingérer dans les affaires syriennes.

Par ailleurs, Manuel Valls laisse entendre que les mesures préconisées pour combattre le terrorisme islamiste respecteront l’Etat de droit, car c’est «une ligne infranchissable». «Mon gouvernement ne sera pas celui qui créera des Guantanamo à la française», a-t-il soutenu. Répondant à Nicolas Sarkozy, il appelle le président des Républicains, qui surfe sans vergogne sur les terribles attentats qui frappent la France – pour masquer ses frasques et camoufler ses démêlés avec la justice de son pays – qu’il faut «être lucide face à la menace» et qu’il ne faut pas «basculer dans le populisme». Manuel Valls qualifie les propositions de Nicolas Sarkozy de «démagogiques». Pour lui, ces propositions «font croire que nous pouvons en finir en quelques mois» avec la menace terroriste.

Manuel Valls, qui exhorte les Français à «engager une véritable révolution» dans leur «culture de sécurité» et à «changer leurs comportements», dévoile ainsi deux faits importants qui ont empêché et empêcheront pour longtemps encore une lutte antiterroriste efficace si la nature même du pouvoir en France n’est pas adaptée à cette nouvelle menace sournoise. D’abord, le Premier ministre avoue que le modèle démocratique français est très vulnérable mais qu’il ne changera pas de sitôt. Ensuite, Manuel Valls confirme que la gauche et la droite continueront de se quereller indécemment même dans les moments les plus délicats et les plus périlleux, mettant ainsi en danger la sécurité de Français et de tous les peuples de la région qui seront inexorablement impactés par une contre-offensive inefficace. 

M. Aït Amara

Comment (95)

    Prolétaire
    1 août 2016 - 20 h 02 min

    Voici une interview du
    Voici une interview du psychanalyste Roland Gori réalisée par le périodique Politis.
    Voici quelques extraits. A méditer. Bonne lecture

    Pour le psychanalyste Roland Gori, les auteurs des récents attentas sont les monstres du néolibéralisme. Daesh, estime-t-il, est l’arbre qui cache une crise politique profonde et sans issue immédiate, et qu’il devra pourtant falloir régler pour éradiquer ce terrorisme.
    « Les médias ont une grande responsabilité dans cette affaire : ils participent à la « star académisation » de passages à l’acte criminel, pour certains immotivés – au sens quasi-psychiatrique du terme – réalisés par des personnalités plus ou moins pathologiques n’ayant aucun rapport personnel avec leurs victimes. Ce qui ne veut pas dire que tous ces meurtres relèvent de la même économie, que tous sont commis par des psychopathes ou des psychotiques. Certains sont authentiquement politiques, d’autres appartiennent au fanatisme « religieux », d’autres encore aux réseaux « mafieux » qui a fait du terrorisme l’occasion de nouvelles affaires rentables.
    (…) Les déclarations de François Hollande (et de sa suite), au moment de l’horreur niçoise, me sont apparues prématurées et dangereuses. Hollande pourrait tomber à pieds joints dans le piège tendu par Daesh : d’abord en relayant et en validant une propagande qui veut que tout meurtre de masse soit le fruit de l’embrigadement de l’organisation terroriste. La radicalisation d’une personnalité apparemment aussi trouble que celle du tueur de Nice, ses addictions et ses violences, sa bisexualité et son alcoolisme solubles en peu de temps dans le « radicalisme religieux » au service d’un « terrorisme de proximité », me laissent perplexe. Ensuite, en annonçant que les frappes sur le terrain extérieur allaient redoubler, Hollande donne du grain à moudre à tous ceux qui veulent se venger de l’arrogance occidentale, des pratiques de maintien de l’ordre des anciens colonisateurs. Il valide le discours de propagande des salafistes qui ont suivi la voie du djihad. Qu’un président soit, en son âme et conscience politiques, appelé à ordonner des opérations militaires, pourquoi pas… Il devra rendre des comptes de sa décision au parlement et au peuple. Mais, qu’il l’annonce comme cela, dans un effet d’annonce en réaction aux crimes de masse, ça ne me semble ni politique, ni productif ».

    Prolétaire
    1 août 2016 - 20 h 02 min

    Voici une interview du
    Voici une interview du psychanalyste Roland Gori réalisée par le périodique Politis.
    Voici quelques extraits. A méditer. Bonne lecture

    Pour le psychanalyste Roland Gori, les auteurs des récents attentas sont les monstres du néolibéralisme. Daesh, estime-t-il, est l’arbre qui cache une crise politique profonde et sans issue immédiate, et qu’il devra pourtant falloir régler pour éradiquer ce terrorisme.
    « Les médias ont une grande responsabilité dans cette affaire : ils participent à la « star académisation » de passages à l’acte criminel, pour certains immotivés – au sens quasi-psychiatrique du terme – réalisés par des personnalités plus ou moins pathologiques n’ayant aucun rapport personnel avec leurs victimes. Ce qui ne veut pas dire que tous ces meurtres relèvent de la même économie, que tous sont commis par des psychopathes ou des psychotiques. Certains sont authentiquement politiques, d’autres appartiennent au fanatisme « religieux », d’autres encore aux réseaux « mafieux » qui a fait du terrorisme l’occasion de nouvelles affaires rentables.
    (…) Les déclarations de François Hollande (et de sa suite), au moment de l’horreur niçoise, me sont apparues prématurées et dangereuses. Hollande pourrait tomber à pieds joints dans le piège tendu par Daesh : d’abord en relayant et en validant une propagande qui veut que tout meurtre de masse soit le fruit de l’embrigadement de l’organisation terroriste. La radicalisation d’une personnalité apparemment aussi trouble que celle du tueur de Nice, ses addictions et ses violences, sa bisexualité et son alcoolisme solubles en peu de temps dans le « radicalisme religieux » au service d’un « terrorisme de proximité », me laissent perplexe. Ensuite, en annonçant que les frappes sur le terrain extérieur allaient redoubler, Hollande donne du grain à moudre à tous ceux qui veulent se venger de l’arrogance occidentale, des pratiques de maintien de l’ordre des anciens colonisateurs. Il valide le discours de propagande des salafistes qui ont suivi la voie du djihad. Qu’un président soit, en son âme et conscience politiques, appelé à ordonner des opérations militaires, pourquoi pas… Il devra rendre des comptes de sa décision au parlement et au peuple. Mais, qu’il l’annonce comme cela, dans un effet d’annonce en réaction aux crimes de masse, ça ne me semble ni politique, ni productif ».

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