Un défi pour l’Etat
Par Kamel Moulfi – Huit ans pour mettre en application une loi, c’est certainement un record qui pourrait figurer dans le Guiness. Il est à l’actif du ministère de l’Habitat et se rapporte à la loi du 20 juillet 2008 qui concerne les constructions inachevées et celles qui n’ont pas de certificat de conformité, à cause notamment de l’inexistence du permis de construire. Difficile de s’en souvenir : la réception des demandes de régularisation a commencé dès la promulgation de la loi en 2008, puis les pouvoirs publics sont revenus à la raison (sous la pression ?). Devant l’immensité de la tâche, l’opération qui devait prendre fin en août 2012 a été prolongée à août 2013, et ensuite à août 2016, «date butoir», au-delà de laquelle toute construction non conforme aux normes urbanistiques et dont la situation n’aura pas été régularisée sera démolie, a-t-on compris. «Plus question de faire marche arrière», a-t-on surenchéri officiellement. Entre-temps, les contrevenants ont eu tous les coups de pouce possibles et imaginables avec toutes les facilités pour l’achèvement des travaux restants de leurs bâtisses. Car il faut que cette loi soit applicable. L’image du magasin ouvert et opérationnel au rez-de-chaussée d’une construction inachevée qui offre à la vue sa hideuse façade en hauteur, mélange de briques, de parpaings et de ciment, est omniprésente dans le paysage un peu partout et, à ce tableau, il faut ajouter les constructions achevées, mais carrément illicites. Huit ans après, assortie pourtant de la menace de démolition, la loi n’a pas eu l’efficacité attendue, même pas pour prévenir des situations similaires. L’Etat est mis au défi par les constructeurs illicites. Il ne faut pas être expert architecte ou urbaniste pour deviner que si la loi est appliquée dans toute sa rigueur, et si les constructions «non conformes» sont démolies, nombre de villes ressembleraient à un théâtre de guerre. L’anarchie et l’illégalité dans la construction sont partout sur le territoire national. Selon les chiffres officiels, quelque 500 000 bâtisses seraient touchées par la loi, parmi lesquelles 100 000 dont les propriétaires n’ont pas cru bon se manifester. Pour les autres, leur dossier est «à l’étude» et ils bénéficient donc d’un nouveau sursis. Quelle sera la suite donnée aux plaintes de particuliers qui ont vu s’ériger directement en face de leurs fenêtres une bâtisse «sans papiers» ou avec de «faux papiers», victimes d’une hogra caractérisée ? C’est le vrai défi pour l’Etat : mettre fin à l’impunité.
K. M.
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