Cazeneuve appelle les lieux d’endoctrinement des «mosquées» : amalgame ou croisade annoncée ?
La dernière déclaration du ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, faisant état de la fermeture d’«une vingtaine de mosquées et de salles de prière» depuis décembre en France, dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, ne fait qu’entretenir les amalgames qui font actuellement tant de ravages et alimentent, indirectement, les courants islamophobes les plus agressifs. D’abord, parce que les lieux qui sont cités comme étant des foyers de propagande fondamentaliste sont généralement des lieux clandestins d’endoctrinement et de formation au terrorisme, plutôt des caves, et non pas des lieux de culte musulman. Plus grave encore, la décision prise par les autorités françaises de s’occuper de ces lieux dans cette conjoncture marquée par un durcissement tous azimuts vis-vis des djihadistes, voulu par les dirigeants politiques, suite à l’attentat de Nice, montre que ces mêmes autorités avaient laissé faire pendant si longtemps.
Un constat qui accrédite la thèse selon laquelle les services de renseignement français n’ont pas su anticiper les événements ou sous-estimé l’influence de ces repaires djihadistes autrefois dirigés contre les pays musulmans, dont l’Algérie, où l’activité subversive était en pleine expansion. Le ministre reconnaît que 120 mosquées et salles de prière, sur un total de 2 500 que compte la France, sont considérées comme diffusant «une idéologie fondamentaliste salafiste». C’est la preuve que les salafistes jouissaient de toutes les facilités pour propager leurs idées et agrandir leur audience. Lorsque, dans les années 1990, ces «caves» servaient de relais pour la collecte de fonds destinés aux maquis terroristes en Algérie, les autorités françaises ont fait montre d’un laxisme déconcertant dont elles paient le prix aujourd’hui.
La question qui reste à poser est de savoir si un gouvernement a, moralement, le droit de fermer un lieu de culte, qui est reconnu comme tel par les autorités. Et, du coup, c’est tout le statut juridique des lieux de culte musulman qui est ici remis en cause. L’argument avancé par le ministre français paraît plutôt expéditif : «Il n’y a pas de place en France, dit-il, pour ceux qui dans des salles de prière ou dans des mosquées appellent et provoquent à la haine, et ne respectent pas un certain nombre de principes républicains, je pense notamment à l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision il y a quelques mois, soit dans le cadre de l’état d’urgence, soit en mobilisant tous les moyens du droit commun, soit par des mesures administratives, de fermer des mosquées», a-t-il assené. Le responsable français ne dit pas s’il avait, au moins, pris le soin de consulter les autorités religieuses en charge du culte musulman en France, avant de s’engager dans son entreprise.
R. Mahmoudi
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