Mise en conformité des constructions : un autre échec annoncé
L’entrée en application à partir d’aujourd’hui, huit ans après sa promulgation, de la loi sur la mise en conformité des constructions inachevées met visiblement dans l’embarras le ministère de l’Habitat. Après une reculade en deux temps (prorogation du délai à deux reprises, en 2011 et en 2013), il n’est pas exclu qu’une nouvelle prorogation qui ne dit pas son nom soit consentie aux contrevenants qui ont certainement été rassurés par les propos que leur a tenus le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, hier soir sur la chaîne de télévision publique Canal Algérie. Ceux qui ont suivi son intervention ont dû en conclure que l’échéance du 3 août ne signifie pas grand-chose ; en fait, il n’y a pas de date butoir. Rien n’indique que la loi sera appliquée avec la rigueur exigée en pareille situation où c’est l’Etat qui a été mis au défi par les promoteurs et les autoconstructeurs.
Les «mesures coercitives en matière de non-respect des délais de construction et des règles d’urbanisme», qui sont parmi les objectifs visés par la loi, sont vidées de leur substance. Le ministre a promis que pratiquement tous les cas seront régularisés y compris ceux qui remontent à la période du terrorisme quand les fonctionnaires chargés du contrôle sur le terrain ont été empêchés de remplir leur mission par le climat de terreur qui régnait presque partout dans le pays, ce qui, en cette absence de l’Etat, a ouvert la porte à tous les abus et toutes les injustices. Alors que la loi a prévu la démolition dans les cas où les constructions «ne sont pas susceptibles de mise en conformité», c’est-à-dire édifiées sur des sites où il est interdit de construire, le ministre a considéré qu’il s’agissait de cas extrêmes et a laissé entendre qu’il n’y avait aucune liste concernant cette catégorie d’infractions. Certains échos font état de cas où il a été procédé à la redéfinition de la nature des terrains utilisés pour les constructions qui tombent sous le coup de la loi. La ficelle consiste à faire rentrer comme «urbanisables» des sites qui ne l’étaient pas. Le ministre a paru supplier les contrevenants de se plier à la loi et de terminer uniquement leurs façades non pas parce qu’à l’état non fini, elles constituent une infraction à la loi, mais parce qu’elles sont une agression à l’esthétique du paysage.
Mais le peu d’empressement mis par les propriétaires concernés à se déplacer à la mairie pour déposer leur dossier, encouragé par le laxisme des pouvoirs publics, laisse penser que la situation anarchique créée par le non-respect de la loi en matière d’urbanisme va continuer à traîner en longueur pendant longtemps. La menace de fermeture des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée en attendant l’achèvement des constructions va-t-elle suffire à faire bouger les contrevenants ? Dans un contexte économique national dominé par l’informel, il y a peu de chances que cette menace soit efficace. Le ministre a reconnu que le phénomène des constructions non conformes au cadre juridique n’a pas disparu et s’est poursuivi, et les contrevenants qui sont venus après la loi de 2008 comptent sur les largesses des pouvoirs publics pour bénéficier de l’opération de régularisation.
Houari Achouri
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