Ce qui est nouveau dans les frappes américaines en Libye
Les frappes américaines de lundi sur la localité stratégique de Syrte, auraient, dit-on çà et là, mis les forces armées algériennes en alerte, comme s’il s’agissait d’un fait absolument inattendu et surprenant, et qui sort de la logique de guerre créée en Libye par le chaos qui y règne depuis l’assassinat de Mouammar Kadhafi en octobre 2011. Ce qui est nouveau dans cette affaire, ce ne sont pas les frappes elles-mêmes, mais le fait de les avoir médiatisées officiellement.
Ce n’est pas la première fois que les Américains procèdent à des raids aériens en Libye, alors que la mort de trois agents de la DGSE française récemment à Benghazi confirme la présence de soldats de l’Otan en Libye depuis la chute de Kadhafi à ce jour. La question qui se pose est la suivante : pourquoi les Américains ont-ils décidé de révéler la dernière frappe de Syrte? Des responsables américains, cités par le New York Times, ont fait savoir au lendemain de ces «premières frappes» que les Etats-Unis vont mener, dans les prochaines semaines, une autre série de raids aériens contre les positions de Daech. Les frappes américaines sur Syrte sont destinées à appuyer les forces du gouvernement d’union libyen (GNA), soutenu par l’ONU dans leur lutte contre les groupes terroristes de Daech qui occupent la ville depuis un an. Le Pentagone n’a donné aucune information sur les résultats de cette opération militaire.
Seul le chef du gouvernement d’union, Fayez Al-Sarraj, a parlé de lourdes pertes infligées aux terroristes à Syrte. Il a précisé que ces frappes sont limitées dans le temps, et à Syrte et sa banlieue. Mais selon les informations qui parviennent de Libye, Daech garde encore le contrôle de plusieurs sites stratégiques dans la ville, à partir desquels il tente de contrôler des terminaux et ports pétroliers. Autre question : pourquoi veut-on faire croire à une menace imminente à nos frontières?
C’est ce qu’a laissé entendre l’ancien secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l’étranger et ancien ambassadeur à Bruxelles, Halim Benattallah, dans une contribution au quotidien arabophone El-Khabar (voir article d’Algeriepatriotique). Halim Benattallah semble également convaincu que la Libye n’a pas informé l’Algérie sur ces frappes, alors que, a-t-il souligné, le Premier ministre libyen était à Alger la veille. Pour lui, notre pays est mis en difficulté par cette nouvelle donne constituée, explique-t-il, par les frappes et, aussi, par le fait qu’un Premier ministre libyen demande une intervention militaire étrangère en dehors du cadre de l’ONU. Sa recommandation au gouvernement algérien de ne pas rouvrir l’ambassade d’Algérie à Tripoli, qu’il présente comme un signe de démarcation par rapport à cette nouvelle donne, signifie-t-elle un appel au désengagement ou à une forme de retrait dans ce conflit?
D’autres sources affirment, au contraire, que l’Algérie a été prévenue des frappes américaines. Les autorités algériennes étaient donc au courant, ce qui expliquerait l’absence de réaction officielle après le raid sur Syrte. Il serait surprenant que l’Algérie soit dans l’ignorance de ce qui se prépare et se passe en Libye, et notamment du «double jeu» auquel se livre notamment la France entre les diverses fractions. Une chose est sûre : notre pays est hostile à toute intervention militaire étrangère en Libye, parce qu’elle aggraverait la situation au lieu d’aboutir à une solution qui ne peut être que politique et interne.
Houari Achouri
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