Venezuela : grand pays pétrolier en faillite
Par Abderrahmane Mebtoul – Le modèle économique vénézuélien, basé sur une redistribution de la rente pétrolière, reposait sur deux postulats : la consommation interne et une forte dépense publique. La croissance, nourrie par les cours élevés du pétrole, a été, jusqu’en 2012, l’une des meilleures croissances d’Amérique latine, mais une croissance artificielle dopée par la dépense publique. Depuis cette date, l’aggravation des déséquilibres macroéconomiques et la chute des cours du pétrole (les exportations pétrolières représentent plus de 96% des ressources en devises du pays et plus de 60% de la fiscalité) ont totalement inversé cette tendance. Pourtant, le Venezuela dispose de vastes ressources hydrauliques, ainsi que d’un potentiel agricole important. Les principales productions agricoles du pays sont le maïs, le soja, la canne à sucre, le riz, le coton, les bananes, les légumes, le café, la viande de bœuf et de porc, le lait, les œufs et le poisson.
Comme mis en relief précédemment, doté de la première réserve mondiale de pétrole (299,95 milliards de barils en 2015), avant l’Arabie Saoudite, malgré un pétrole lourd, et de la quatrième réserve mondiale de gaz naturel, le Venezuela est la 5e puissance économique d’Amérique latine derrière le Brésil, le Mexique, l’Argentine et la Colombie. Membre fondateur de l’Opep, il est le douzième producteur mondial de pétrole et le dixième exportateur de brut. Mais des réserves de change tendant vers zéro et un endettement de plus en plus lourd réduisent les marges de manœuvre du gouvernement et rendent la menace d’un défaut de paiement de la dette externe vénézuélienne probable en cas d’un cours inférieur à 70 dollars. Le Venezuela a évité de justesse le défaut en 2015 grâce aux prêts accordés par la Chine et a réussi à honorer l’échéance de février 2016 (1,5 milliard de dollars), mais les deux échéances les plus importantes sont à venir (autour de 4,8 milliards de dollars), prévues en octobre et novembre 2016. Malgré les augmentations de salaire, le pouvoir d’achat est en baisse, la pauvreté augmente et le système de santé se dégrade. Le taux de chômage explose. Le pays fait également face à une montée de l’insécurité, avec le taux d’homicide le plus élevé du continent latino-américain.
En résumé, en précisant que dans la pratique des affaires et en politique n’existent pas de sentiments, vu les intérêts stratégiques de Pékin dans le pays, la Chine viendra-t-elle en aide au Venezuela ? Ne soyons pas utopiques, toute solution est avant tout interne, résidant en une nette volonté politique du pouvoir vénézuélien d’approfondir la réforme globale. Aussi, il ne faut pas avoir une vision de sinistrose. En plus des réserves de pétrole, le pays dispose de ressources minières et agricoles considérables, d’un territoire propice au tourisme, d’une société civile active et surtout d’un système socio-éducatif de bonne qualité, la ressource humaine fondement du développement, autant d’atouts aujourd’hui sous-exploités par le gouvernement au pouvoir.
Sous réserve de profondes réformes structurelles et d’une vision loin du populisme stérile qui a conduit le pays vers cette situation, réformes qui déplaceront forcément des segments de pouvoir assis sur la rente, le Venezuela a toutes les potentialités pour devenir un pays émergent. L’Algérie pour ne pas renouveler cette expérience malheureuse de semi-faillite doit éviter des discours euphoriques et méditer la leçon vénézuélienne, un modèle que le Parti des travailleurs (voir les discours du PT sur internet entre 2006 et 2010) défendait corps et âme, et qu’il voulait voir instauré en Algérie.
A. M.
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