Intrigante simultanéité entre les appels d’Erdogan et des islamistes algériens au rétablissement de la peine de mort
Le supplice vécu par la petite Nihal, enlevée puis mutilée par ses ravisseurs, a été un véritable tremplin pour les islamistes qui n’ont pas attendu les résultats de l’enquête pour réclamer à tue-tête et à l’unisson l’application de la peine de mort en guise de châtiment suprême aux auteurs de pareils crimes. Une campagne qui coïncide étrangement avec les appels du régime islamiste d’Ankara et de son mentor, Recep Tayyip Erdogan, pour rétablir la peine de mort qu’il souhaiterait appliquer contre ses rivaux politiques, accusés d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat du 15 juillet dernier. D’ailleurs, dans un de ses discours, le président turc a clairement signifié que «si le peuple réclame la peine de mort, les partis politiques devront suivre». Galvanisé par la mise en échec du coup d’Etat, islamistes turcs et algériens s’unissent dans une compétition de terreur avec les pires théocraties du monde musulman, mais surtout avec les groupes terroristes qui font des exécutions sommaires un mode de gouvernance.
Profitant d’un climat propice dans la société, créé par le choc émotionnel collectif, nourri par une médiatisation exceptionnellement soutenue de l’affaire de la disparition de la petite Nihal, les islamistes, en panne de projet, ont vite fait d’encadrer cette vague d’indignation populaire, en hissant le mot d’ordre religieux d’«al-qiçâç» (loi du talion), qu’ils décrivent comme la solution miracle à ce fléau qui menace la société. Ils ont même réussi à entraîner dans leur sillage plusieurs associations et personnalités publiques qui, à l’image de Farouk Ksentini, président d’une commission officielle de promotion des droits de l’Homme, ne voient pas d’inconvénient à ce que la peine de mort soit «exceptionnellement» réactivée en réponse à la gravité de ce fléau.
Il est clair que cette revendication des islamistes est moins dictée par un souci d’endiguer un danger public, que par celui d’engranger une victoire politique et idéologique. Car cela pourrait être le premier pas vers la consécration de la primauté de la charia ou ce qu’ils appellent insidieusement «le droit divin», dans le droit civil algérien. Il est curieux, d’ailleurs, de constater que les plus zélés dans ces appels à rétablir la peine de mort, ce sont ceux qui ont mené une campagne acharnée contre les réformes du système éducatif, au nom de la défense des «constantes» et des «valeurs» nationales, et se sont distingués, ces derniers mois, par des hostilités ouvertes contre la ministre de l’Education, dont ils réclament toujours la tête.
Le plus bruyant et le plus effronté d’entre tous est sans doute le député du FJD, Hassan Aribi. Celui-ci a poussé l’outrecuidance jusqu’à écrire une lettre au président de la République qu’il a mise en ligne sur sa page Facebook. D’entrée, il reproche aux autorités politiques du pays leur laxisme et surtout leur «incapacité» à mettre fin au phénomène d’enlèvement d’enfants, en «bloquant une loi divine» (al-qiçâç), qui est pour lui «légitime en pareils cas pour garantir une vie digne à la population en général, et aux enfants en particulier».
Il faut rappeler que ces islamistes n’ont jamais demandé l’application de la peine de mort contre les auteurs des crimes terroristes qui, pendant des années, ont commis des massacres contre des populations entières, dont de très nombreux enfants, et que c’est l’Etat qui a décidé de mettre fin aux exécutions des condamnés à mort dès le début des années 1990.
R. Mahmoudi
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