Curieux retournement du porte-voix des Frères musulmans en Algérie contre Erdogan
L’ennemi juré de Recep Tayyip Erdogan a-t-il actionné ses relais à travers le monde musulman pour tirer à boulets rouges sur le Président turc au lendemain du coup d’Etat raté ? Il y a lieu, en effet, de s’interroger à la lecture d’une tribune que vient de publier le président du MSP, Abderrezak Mokri. Un véritable pamphlet dans lequel le désormais «ex-allié» de l’AKP dénonce en des termes virulents les dernières décisions prises par celui qui était considéré, jusque-là, comme le mentor des islamistes «modérés» algériens. «J’aimerais exprimer, à travers cet article, un point de vue que je crois être juste et je tiens à ce que cette opinion soit connue du grand public par souci d’assumer ma responsabilité, dusse-t-elle provoquer la colère de certains de nos amis», écrit, d’emblée, Abderrezak Mokri, dans ce qui s’apparente à une admonestation. «Je pense que la campagne que mène Erdogan [contre le groupe de Fathullah Gülen] est injuste et qu’elle aura de graves conséquences pour les musulmans», s’inquiète le président du Mouvement de la société pour la paix, qui craint que la réaction du Président turc «soit néfaste pour son propre parti».
On ne sait pas si la réaction d’Abderrezak Mokri, publiée sur sa page personnelle, engage son parti ou si elle exprime un avis personnel. En tout cas, le successeur de Bouguerra Soltani à la tête du MSP n’éprouve aucune gêne à s’immiscer, ainsi, dans les affaires intérieures d’un pays tiers. Une attitude qui démontre le caractère transfrontalier de la mouvance islamiste à la solde de la secte des Frères musulmans dont le quartier général s’est déporté du Caire à Ankara. «Erdogan a le droit de briser les reins au groupe de putschistes de sorte à anéantir ses effets négatifs sur lui, sur son projet et sur la Turquie en général», suggère Mokri. «Mais, note-t-il, de là à punir des personnes pour la simple raison qu’ils appartiennent au mouvement Hizmet, fermer les écoles, les entreprises et mette fin à l’activité d’hommes d’affaires et mettre en péril l’avenir professionnel d’un grand nombre de travailleurs, cela est inacceptable», maugrée Abderrezak Mokri, qui conseille à Erdogan de «récupérer les mouvements religieux actifs instrumentés par les puissances coloniales extérieurs et les tyrannies intérieures», au lieu de les «éradiquer».
Le président du MSP craint, enfin, que les laïcs qui ont soutenu le président islamiste turc contre la tentative de coup d’Etat avortée, profitent de l’occasion pour encourager l’affaiblissement de la mouvance islamiste dans ce pays, d’autant que, souligne-t-il, le mouvement Gülen compte des milliers de membres et de sympathisants et que, dès lors, il est impossible de les réduire à néant par la répression, mais en les amenant à épouser la doctrine d’Erdogan «par conviction».
Si Abderrezak Mokri se montre très préoccupé par la vague d’arrestations sans précédent qui a lieu actuellement en Turquie, ce n’est pas par quelque souci de respect des droits de l’Homme et de la démocratie dans ce pays, mais parce qu’elle est menée par un régime islamiste contre des opposants islamistes.
Karim Bouali
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