Un islamologue aux hadjis algériens : «Méfiez-vous des prédicateurs saoudiens !»
Le chercheur en théologie Hocine Gaham avertit contre des risques sérieux auxquels nos pèlerins sont exposés durant leur séjour aux Lieux saints de l’islam. Dans une intervention remarquable sur une chaîne de télévision algérienne, cet islamologue exhorte les hadjis algériens à ne pas se référer aux fatwas des imams et autres prédicateurs mis à leur disposition par les autorités saoudiennes à la Mecque et à Médine, et à refuser les brochures qui leur sont fournies sur place pour cause de prosélytisme wahhabite. Hocine Gaham fait remarquer que les imams et prédicateurs désignés localement pour «guider et orienter» les pèlerins «suivent tous sans exception le même dogme et le même rite, le rite hanbalite». Aucun autre rite n’est toléré, «alors que le monde musulman pratique une diversité de rites qui sont majoritaires».
L’autre problème crucial auquel le hadji algérien est confronté est l’invasion de l’idéologie wahhabite, diffusée dans des guides par des phalanges de jeunes adeptes de cette doctrine qui est «un condensé d’idées extrémistes», pour essayer de l’imposer comme référence doctrinaire unique à l’ensemble des musulmans. L’islamologue avertit que cette doctrine perverse (le wahhabisme) comporte des erreurs «monumentales» et «extrêmement dangereuses» en matière d’exégèse, notamment en ce qui concerne la légalisation du djihad et du takfir. «Le wahhabisme, explique l’intervenant, est la seule école religieuse en islam qui appelle au takfir.»
A la question de savoir comment on peut immuniser les pèlerins algériens contre ces idées extrémistes diffusées par les adeptes du wahhabisme en Arabie Saoudite, le théologien estime qu’il faut d’abord s’interdire de se référer, pour les besoins de fatwas, aux imams désignés localement, d’autant plus que les missions algériennes «disposent généralement d’imams assez compétents en matière de fatwas». Autrement dit, «la sacralité de ces lieux ne donne aucune autorité aux prédicateurs ou imams locaux».
Plus audacieux, Hocine Gaham estime que les pèlerins algériens ne doivent pas se sentir «intimidés» dans les Lieux saints. «Ils doivent savoir, insiste-t-il, que les Lieux saints (la Mecque et Médine) appartiennent d’abord à Dieu, et nul ne peut prétendre en être le tuteur.» Et de rappeler qu’avant la création de cette doctrine (le wahhabisme) et la proclamation du royaume saoudien, le peuple local suivait un autre rite, le chafiisme. Il reste que, selon le théologien, la meilleure façon de conscientiser les Algériens partis au hadj, c’est de «s’instruire» et de «s’imprégner» des vrais percepts de l’islam.
Le même constat s’applique à nos concitoyens vivant en France, qui, eux, en plus de leur vulnérabilité face à l’extrémisme ambiant, subissent des pressions politiques et identitaires, à travers la montée de l’islamophobie. Hocine Gaham estime que les courants xénophobes et islamophobes exploitent l’extrémisme religieux de certains musulmans pour semer davantage de haine et de division dans les rangs des musulmans. Il relève que la communauté algérienne est particulièrement exposée à ce danger, «parce que le discours extrémiste est dominant aujourd’hui dans les mosquées de France», affirme-t-il.
Un scepticisme justifié par les moyens «colossaux» dont disposent les extrémistes, avec une capacité de diffuser gratuitement des dizaines, voire des centaines de milliers de livres importés d’Arabie Saoudite. «Des livres destinés à un lavage de cerveau et à l’endoctrinement des jeunes.»
R. Mahmoudi
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