Appels à une «autonomie régionale» : glissement sémantique et manipulation
Dans une de ces dernières contributions dans la presse, l’ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), Ali-Yahia Abdennour, a ouvertement plaidé pour une «autonomie régionale», en disant s’inspirer d’une des résolutions du Congrès de la Soummam, instituant un découpage du territoire national en six wilayas jouissant d’une «totale autonomie de gestion». Pour lui, l’Algérie indépendante aurait dû calquer ce modèle qui, selon lui, a prouvé sa viabilité et son efficience. Il rejoint, ici, la vision du RCD qui, lui, milite depuis sa création pour une «régionalisation modulable», laquelle prévoit l’institutionnalisation d’une douzaine de capitales régionales, «dotées d’organes législatifs et exécutifs, et qui constitueront des pôles de décision et de régulation». Même son rival traditionnel, le FFS, préconise un certain fédéralisme qui doterait les régions de plus larges prérogatives en matière de gestion économique et administrative, mais sans en faire une priorité pour autant.
Plus occupé aujourd’hui à réaliser «le consensus national», projet qui le rapproche davantage du pouvoir central, le parti fondé par Hocine Aït Ahmed se montre, au contraire, ouvertement hostile à toute idée d’autonomie et, notamment, aux agissements du mouvement séparatiste de Ferhat Mehenni au nom de l’autonomie de la Kabylie. Majoritaire au niveau des assemblées de cette région, le FFS se sent bousculé par cette «troisième force» qui agit en lame de fond et qui profite de la désaffection de certains secteurs de la population pour les deux partis traditionnels pour se propulser.
En tout cas, les prochaines élections législatives, prévues dans huit mois, serviront de test pour la popularité des deux partis dominants en Kabylie, et leur capacité à juguler cette montée des extrémistes.
Si cet appel d’Ali-Yahia Abdennour à intégrer l’idée de l’autonomie régionale dans le système de gouvernance algérien n’est pas nouveau en soi, il y a lieu de se demander si la promotion d’un tel projet dans la conjoncture actuelle, marquée localement par l’émergence du MAK, n’apporte pas de l’eau au moulin de ce dernier, en légitimant indirectement sa démarche. Militant nationaliste et ancien ministre sous Boumediene, Ali-Yahia Abdennour n’en est pas moins influencé par la philosophie des «berbéristes» de 1949, dont fait partie son frère, Ali-Yahia Rachid. Son rapport avec le mouvement autonomiste créé en 2001 est néanmoins empreint d’ambivalence. Ainsi, il fut le premier à dénoncer la supercherie de Ferhat Mehenni, en révélant, en 2003, l’inexistence d’un mandat d’arrêt de la justice algérienne contre l’ex-chanteur, lequel mandat servira plus tard à celui-ci d’alibi pour demander l’asile en France.
Aujourd’hui, Ali-Yahia Abdennour ne se gêne pas d’appeler à «légaliser» le MAK. Il a même, selon des indiscrétions, initié des démarches de médiation, le 20 avril dernier, entre les dirigeants de cette organisation clandestine et la direction du RCD, pour l’organisation d’une marche commune qui devait sceller une union stratégique entre les deux formations. Une initiative qui fera long feu.
B. K.
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