Abdallah Zekri à Algeriepatriotique : «Le burkini n’a jamais été un habit islamique»
Le président de l’Observatoire contre l’islamophobie et secrétaire général du Conseil français du culte musulman en veut à Jean-Pierre Chevènement d’avoir appelé les musulmans à «se faire discrets». «Je lui ferai part de ma désapprobation lors de la réunion que nous allons tenir avec le ministre de l’Intérieur ce vendredi», a-t-il affirmé dans cet entretien à Algeriepatriotique.
Algeriepatriotique : Nous venons d’apprendre que M. Chevènement serait installé ce lundi à la tête de la Fondation pour l’islam de France en dépit du refus des représentations de musulmans. Est-ce vrai ?
Abdallah Zekri : Non. Il ne va pas être installé lundi. Lundi, il va y avoir une rencontre pour essayer de discuter des statuts qui vont être mis en place. M. Chevènement ne pourra être installé que lorsque la première fondation sera dissoute et que la nouvelle sera créée. S’il dit être installé, ce sera vers la fin septembre ou le début octobre. C’est la presse et certaines personnalités, ici en France, qui ont tout de suite déclaré qu’il allait être installé lundi. Or, ce lundi, c’est une réunion de contact qui se tiendra. Nous allons rencontrer M. Chevènement demain (vendredi), en présence du ministre de l’Intérieur, pour lui faire part de notre opinion. Nous allons surtout lui dire de tempérer ses propos s’il veut présider cette fondation, parce que nous pouvons refuser sa nomination et boycotter son installation à la tête de cette fondation. Un autre conseil d’administration se tiendra par la suite, lequel sera suivi par un conseil d’orientation composé d’une vingtaine de membres, dont six relevant du bureau exécutif du CFCM. Nous souhaitons que M. Dalil Boubakeur préside ce conseil.
Les représentations de musulmans de France ont finalement accepté M. Chevènement à la tête de cette fondation, donc…
Toutes les personnalités ont accepté cette nomination. Aussi, nous n’allons pas faire cavaliers seuls et refuser sa désignation. Moi, je n’étais pas du tout d’accord dans la mesure où il a fait des déclarations qui m’ont déplu. Mais je ne représente qu’une voix sur vingt.
Comme Jean-Pierre Chevènement, quelques jours plus tôt, le Premier ministre Manuel Valls a appelé les musulmans à la «discrétion» dans la manifestation de leurs convictions religieuses. Qu’entendent-ils par là ?
J’ai condamné les propos de M. Chevènement par voie de presse. Que signifie «se faire discret» ? Nous n’allons tout de même pas vivre dans les égouts comme des rats. Pour quelqu’un qui aspire à présider la fondation de l’islam, il est inconcevable de tenir de tels propos qui ont été très mal perçus par les musulmans de France. Quant à M. Valls, j’aimerais qu’il nous explique s’il est le Premier ministre d’un gouvernement socialiste ou s’il émarge chez les Républicains, dans la mesure où il a exprimé son soutien aux maires qui ont pris les arrêtés sur l’interdiction du burkini. C’est une politique populiste qui est destinée uniquement pour les élections à venir. Valls veut se placer et chasser sur le terrain du Front national.
Pensez-vous qu’avec ces déclarations, ces responsables politiques enveniment la situation au lieu de l’apaiser ?
Les déclarations qui ont été faites ne sont pas de nature à calmer les esprits. Ce sont des déclarations de confrontation. Le burkini n’a jamais été un habit islamique comme ils le prétendent. Les femmes le portent soit par discrétion ou par pudeur. Chacun est libre de porter ce qu’il veut et la seule chose que la loi française interdit, pour le moment, c’est le voile intégral. Nous attendons, donc, la décision du Conseil d’Etat pour trancher. Ou bien les maires ont pris des décisions illégales ou bien le Conseil d’Etat acceptera ces décisions. Et, à ce moment-là, nous serons en train de créer un climat de tension.
Que va-t-il se passer dans le cas où le Conseil d’Etat validerait l’interdiction du burkini ?
Il va y avoir un mécontentement général de la communauté musulmane, y compris de ses dirigeants.
Comment voyez-vous l’avenir de la communauté musulmane avec une France qui donne une image de plus en plus intolérante et qui ostracise une frange de sa population ?
Ce que je vois, c’est une image négative. Beaucoup d’intellectuels français ont pris position pour dénoncer cette stigmatisation du musulman. Je tiens à remercier le ministre de l’Intérieur, M. Cazeneuve, qui prône un discours d’apaisement et de dialogue.
Propos recueillis par Mohamed El-Ghazi
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