Pas d’implosion sociale à court terme
Par Abderrahmane Mebtoul – Quatre raisons font qu’il n’y aura pas d’implosion sociale à court terme.
Premièrement, l’Algérie n’est pas dans la situation de 1986, où les réserves de change étaient presque inexistantes avec un endettement qui commençait à devenir pesant. Avec 122 milliards de dollars de réserves de change fin 2016, 112 milliards de dollars selon le FMI, et une dette extérieure inférieure à 4 ou 5 milliards de dollars, ces réserves de change, si elles sont bien utilisées, peuvent à la fois servir de tampon social.
Deuxièmement, vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global. Mais il faut faire attention : résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale.
Troisièmement, grâce à leur travail mais également aux subventions étatiques, les familles algériennes ont accumulé une épargne sous différentes formes. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu’il y a «déthésaurisation» et que cette épargne est , malheureusement, en train d’être dépensée face à la détérioration de leur pouvoir d’achat. Cela peut tenir encore deux à trois ans. A la fin de cette période, tout peut arriver.
Quatrièmement, l’Etat, malgré des tensions budgétaires qui iront en s’accroissant, les dispositions de la loi de finances 2016, certainement celle de 2017, continue à subventionner les principaux produits de première nécessité : il n’est pas question de toucher à deux produits essentiels pour les plus pauvres, à savoir le pain et le lait. En revanche, à terme, il s’agira de cibler les subventions qui, généralisées, sont insoutenables pour le budget. Pour rappel, sur les 28 milliards de dollars de subventions – sans compter les transferts sociaux – les carburants accaparent plus de 10 milliards de dollars.
L’Algérie a un répit seulement de trois ans pour changer de cap et éviter de vives tensions sociales entre 2018 et 2020. Certes, à court terme, cette situation peut être maîtrisable, sous réserve d’une plus grande rigueur budgétaire et d’une lutte contre les surcoûts, le gaspillage et la corruption. Avec la baisse des recettes de Sonatrach de 45%, il est indispensable d’accroître la fiscalité ordinaire : c’est là un exercice difficile sans pénaliser les activités productives et les couches les plus défavorisées. Mais, à moyen terme, en cas de faiblesse de la production interne, d’un dérapage accéléré de la valeur du dinar corrélé à la baisse des réserves de change, nous devrions assister à un processus inflationniste accéléré.
En effet, il faut être aussi conscient que sans réformes structurelles, évitant les replâtrages et les discours populistes, l’implosion sociale est inévitable à l’horizon 2018-2020. L’inflation joue toujours comme facteur de redistribution des revenus au profit des revenus variables et il appartient à l’Etat de concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale, laquelle n’est pas antinomique avec l’efficacité. Tous les appareils de l’Etat doivent donner l’exemple.
J’avais préconisé, lors d’une conférence devant le Premier ministre, en novembre 2014, que les responsables au plus haut niveau (présidence, gouvernement, hauts cadres de l’Etat, députés, sénateurs, etc.) donnent l’exemple par une réduction de leurs salaires et évitent des réceptions inutiles. Certes, une telle attitude n’aura pas une importante répercussion sur le budget de l’Etat, mais ce sera un signe fort de mobilisation en faveur d’une austérité justement partagée. Car tout responsable doit penser à au devenir de l’Algérie. La question est pertinente et relève de la géostratégie.
A. M.
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