Propos d’Amimour détournés : Makhzen cherche partisans de l’ouverture des frontières désespérément
Plusieurs journaux et sites d’information marocains se sont réjouis des propos attribués à l’ex-ministre algérien de la Culture Mahieddine Amimour au sujet des relations algéro-marocaines et, notamment, du statut d’«autonomie» octroyé aux territoires sahraouis occupés pour le présenter comme un ami du Maroc et un fervent partisan de l’ouverture des frontières.
Ces titres ont pris des passages d’une interview accordée cette semaine par Amimour à l’hebdomadaire marocain d’expression arabe El-Ayyam, tronqués ou sortis de leur contexte, pour leur conférer une signification complètement erronée. Ainsi, ces journaux rapportent, à titre d’exemple, que l’ex-conseiller de Boumediène considérait l’option d’autonomie (accordée officiellement au Sahara Occidental) comme une «proposition courageuse, même s’[il] sait que cette position est loin d’être conforme à la position officielle de [son] pays». Dans la version complète de l’entretien, Amimour a bien dit cette phrase, mais en ajoutant cependant : «J’aurais aimé que des intellectuels marocains osent s’écarter, au moins de quelques centimètres, de la position officielle du palais royal. J’aurais aussi aimé trouver en face de moi qui considérerait l’idée d’autonomie comme une des trois options possibles, et que des efforts soient consentis pour gagner la confiance des Sahraouis, loin des surenchères sur des thèses qui ne peuvent plus convaincre même ceux qui cherchent seulement à sauver la face, encore moins ceux qui réclament des droits nationaux conformément à la légitimité internationale.»
Il reproche aux intellectuels marocains leur «aliénation totale» à la politique officielle et l’absence de toute autocritique sur l’histoire des relations entre les deux pays, contrairement, estime-t-il, aux intellectuels algériens qui, eux, jouiraient d’une plus grande liberté de pensée.
La presse marocaine escamote sciemment un autre passage où Amimour estime clairement que «le sentiment partagé en Algérie est que le Maroc a toujours œuvré pour essayer d’imposer un fait accompli par lequel il entend mettre en œuvre sa “conception” des ses droits historiques (…)», expliquant que «la question sahraouie est l’expression de la poursuite de cette politique du fait accompli que nous avons toujours rejetée depuis l’indépendance de la Mauritanie, suivie des événements d’octobre 1963». Avant de revenir sur les efforts déployés par l’Algérie pour instaurer «la concorde» dans la région.
Plus clair encore, l’ex-ministre algérien estime qu’«il serait aberrant, à mon avis, de nier l’existence d’un peuple sahraoui dont une partie importante refuse de dépendre du Maroc», tout en disant ne pas vouloir polémiquer sur un référendum «que le Maroc aurait dû accepter, s’il voyait réellement que l’ensemble du peuple sahraoui était attaché au royaume».
Interrogé sur «le sentiment de rejet mutuel» entre l’Algérie et le Maroc, Amimour explique que le rejet du côté algérien «n’est nullement un caprice de dirigeants, ni une volonté imposée d’en haut mais bien un sentiment populaire réel». «Ne regardez pas, dira-t-il, au folklore pratiqué par certains chanteurs qui le font pour des raisons matérielles ou de chantage, ni aux slogans portés par quelques écrivains amateurs de pastilla !» Et de s’interroger comment la confiance peut être restaurée «alors que, chez vous (au Maroc, ndlr), on parle toujours d’un “Sahara oriental” qui aurait été spolié au Maroc par l’Algérie, sachant que toute la terre d’Algérie est irriguée par le sang de centaines de milliers de martyrs, et que l’accord de délimitation des frontières définitives a été signé à Rabat, en 1972, en présence de plus de 40 chefs d’Etat ou de gouvernement».
Enfin, au sujet du souhait formulé par le Maroc de réintégrer l’Union africaine, l’ancien ministre – autre passage occulté – juge cette démarche «positive, nécessaire, voire vitale», en soi «mais toute idée de poser des conditions est non seulement contraire au bon sens mais c’est aussi une escalade inutile».
A rappeler que Rabat avait exigé, pour réintégrer l’Union africaine, l’exclusion de la RASD, qui en est membre depuis 1982.
R. Mahmoudi
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