Le mufti d’Arabie Saoudite écarté suite à un prêche : quand les Al-Saoud politisent le hadj
Après l’escalade qui a marqué les relations entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, suite à une déclaration du mufti de la monarchie wahhabite, Abdulaziz Al-Cheikh, qualifiant les Iraniens et les chiites de «mages» (en arabe «al-majûs»), autrement dit de non-musulmans, les Al-Saoud ont choisi, à la veille du pèlerinage, d’opérer un recul tactique. Le roi Salmane a, en effet, décidé d’écarter, au moins momentanément, le mufti et de le remplacer par Abdurrahman Al-Sudais, imam de la Grande mosquée, pour prononcer le premier prêche, dit «prêche d’Arafa, donnant ainsi solennellement le coup d’envoi des rites du hadj. D’ailleurs, dans ce prêche, l’imam a mis l’accent sur «les vertus du dialogue» et a appelé à transcender les divergences entre pays musulmans, en allusion claire au conflit irano-saoudien. Ceci, pendant que les différents médias à la solde du régime wahhabite continuent à s’acharner contre l’Iran, avec un discours alarmiste et belliqueux, pendant que les autorités saoudiennes filtraient les flux de pèlerins iraniens.
Des médias arabes avaient rapporté que les propos tenus par le mufti auraient été «très mal perçus» par la famille régnante, laquelle se passerait d’un nouvel accès de tension avec Téhéran en ces moments d’incertitude grandissante pour les Al-Saoud qui, en plus de la crise économique qui frappe leur pays de plein fouet, cherchent à sortir de l’impasse yéménite.
C’est pourquoi le hadj de cette année est vécu, en Arabie Saoudite, comme une épreuve politique décisive, où tous les moyens humains et matériels ont été mobilisés pour éviter de nouveaux massacres similaires à celui qui a fait, en 2015, 2 236 victimes, dont 464 Iraniens. Téhéran avait accusé les Al-Saoud d’être entièrement responsable de la tragédie et relancé une vielle revendication consistant à soumettre les Lieux saints de l’islam à une gestion collective. Une chose qui paraît invraisemblable aux yeux des dirigeants saoudiens qui en tirent non seulement des rentes considérables chaque année, mais surtout une légitimité théologique et une autorité sur une bonne partie des pays à majorité sunnites.
Paradoxalement, la presse saoudienne, soutenue entre autres par la direction d’Al-Azhar, accuse les Iraniens de vouloir «politiser» le hadj, en provoquant une «nouvelle crise» avec l’Arabie Saoudite à la veille de cet événement symbolique majeur pour l’ensemble des musulmans, et en cherchant à semer le désordre aux Lieux saints.
R. Mahmoudi
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