L’aventurisme du Maroc aidé par la France menace la sécurité régionale
A travers le goudronnage de la route de Guergarate où soldats sahraouis et marocains se font désormais face, le Maroc a voulu imposer un fait accompli en violant l’accord de cessez-le-feu, comme cela a été, du reste, reconnu et attesté par la Minurso. Le troll-diplomate marocain, représentant du Makhzen à New York, grand manipulateur dont les mensonges compulsifs et éhontés ont été largement dévoilés par le hacker Chris Coleman – a affirmé que la notification a été faite 24 heures après le passage de la gendarmerie marocaine dans la zone tampon, ce qui est en soi une reconnaissance explicite de la violation du cessez-le-feu.
La réponse rapide du Front Polisario sur le terrain a mis en échec ce projet qui semble avoir été coordonné – voire concocté – avec la France qui se fait l’avocate de Rabat au Conseil de sécurité, pour, soi-disant, des impératifs d’équilibre au Maghreb. En raison du blocage de la réalisation par le Maroc de cette route suite au déploiement de l’armée sahraouie en face de la gendarmerie marocaine, ce même pays européen, avec le concours de certains supplétifs (Sénégal, Egypte, Espagne) a tenté de faire réaliser les travaux de cette route par une autre entité, mais sur fonds onusiens. Le Conseil de sécurité n’a pas suivi ces pays dans cette voie surprenante pour ceux qui savent qu’un tel projet – la construction d’une route à Guergarate – avait déjà été bloqué en 2001et le Maroc avait abdiqué sous la pression de la Minurso et de plusieurs Etats membres de l’ONU.
Les véritables motivations du Makhzen
Il faut essayer de comprendre les vraies motivations marocaines dans cette action aventuriste et dangereuse qui peut mettre en péril la sécurité régionale. L’alibi qui consiste à affirmer que la réalisation de cette route viserait à «lutter contre le trafic de drogue» ne tient pas la route, car chacun connaît les filières du kif et ceux qui l’alimentent en direction de la Mauritanie et des pays d’Afrique de l’Ouest.
En réalité, Mohammed VI et ses conseillers veulent profiter d’un changement de conjoncture et agir comme si l’accord de règlement de 1991 n’existait plus pour le Maroc pour changer le statu quo politique et territorial. Cette manière de voir les choses est extrêmement grave, car si l’accord de paix n’est plus reconnu, quelle pourrait être l’alternative en dehors de la reprise des hostilités ?
Dans le même temps, le Maroc cherche à tester le nouveau leadership sahraoui après le décès de Mohamed Abdelaziz et l’avènement de Brahim Ghali. Ce «test» coïncide avec ses gesticulations en direction de la Mauritanie en raison de l’incident de Lagouira et du resserrement des relations entre le gouvernement mauritanien et la République sahraouie. Par ailleurs, le Maroc veut profiter de la «dynamique» du démantèlement de la mission civile et politique de la Minurso et de la paralysie du Conseil de sécurité, pour créer une nouvelle tension. Par cette manœuvre, Rabat cherche à faire avorter le projet de visite de Christopher Ross qui serait porteur d’une nouvelle proposition «formelle», laquelle pourrait faire remiser au placard la proposition marocaine d’autonomie. C’est que les Marocains, selon des indiscrétions, se méfient d’un éventuel «sale coup» de la part de Ban Ki-moon à la veille de la fin de son mandat.
Pour cette raison, Christopher Ross restera indésirable au Maroc et les officiels de ce pays prétextent déjà la tenue des élections législatives et la formation du futur gouvernement qui s’en suivra et qui nécessitera du temps, alors qu’en réalité, ils joueront la montre jusqu’à la fin de mandat de l’actuel secrétaire général de l’ONU.
Un pari sur le pire
Toutes ces considérations se recoupent dans ce qui semble être un pari sur le pire. Compte tenu du fait que toutes ces actions ont été soigneusement planifiées et préméditées – démantèlement de la Minurso, campagne anti-Ross, coup de force à Guergarate, etc. – et qui ne peuvent être rangées dans le registre d’actions impulsives ou d’erreurs d’appréciation, l’objectif ultime des Marocains est de profiter d’une conjoncture qu’ils jugent favorable grâce, essentiellement, au soutien inconditionnel de la France au Conseil de sécurité. L’arrivée imminente, selon eux, d’Hillary Clinton à la Maison-Blanche pourrait également les aider à tuer l’idée même de l’option du référendum d’autodétermination. Pour le Makhzen, cette nouvelle donne devrait s’imposer au nouveau secrétaire général de l’ONU et progressivement aux membres du Conseil de sécurité.
Compte tenu de cette nouvelle approche agressive et irréfléchie, d’autres provocations aussi dangereuses pour la sécurité et la stabilité régionales ne sont pas à sous-estimer. Des provocations dans lesquelles la France joue un rôle négatif et engage pleinement sa responsabilité en cas de reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc.
Karim Bouali
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