Acharnement judiciaire contre l’écrivaine anti-intégriste Djemila Benhabib au Québec
Pour ne pas subir les foudres des islamistes, il faut s’attaquer aux musulmans démocrates qui les combattent. C’est une formule devenue classique, utilisée par ceux qui croient que c’est celle qui coûte le moins tout en rapportant le plus sur le court terme. On a vécu cette démarche chez nous, au début des années 1990, avec la fameuse et dangereuse référence aux «laïco-assimilationnistes», lancée inconsciemment ou volontairement pour tourner la violence terroriste vers des cibles plus précises. La formule fait visiblement recette au Québec qui a choisi de laisser poursuivre en justice Djemila Benhabib, auteure du célèbre pamphlet Ma vie à contre-Coran, par un établissement scolaire privé, subventionné à hauteur de 425 000 dollars par le ministère canadien de l’Education, portant le nom d’Ecoles musulmanes de Montréal.
Son «crime» : des déclarations soi-disant «diffamatoires» et «anti-islamiques» faites sur les ondes d’une radio canadienne. Il s’agit, selon la même source, d’une interview datant du 8 février 2012, qui faisait suite à une chronique que l’auteure du livre Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident avait publiée sur son blogue du Journal de Montréal.
Le procès de Djemila Benhabib s’ouvre le 26 septembre prochain, à Montréal. Elle est soutenue par de larges pans de la société québécoise qui ont décidé d’exprimer cette solidarité en organisant une campagne de collecte de fonds pour «l’aider à défrayer les coûts juridiques occasionnés par cette procédure vexatoire». Mais ses amis craignent les graves conséquences sur la liberté d’expression qu’aurait une victoire de ses accusateurs. Ils tiennent à souligner que ce procès, qu’ils qualifient de «grave tentative d’intimidation», ne relève pas du fait divers mais constitue, expliquent-ils, «une affaire politique qui, par sa nature, interpelle tous les démocrates épris de liberté». Ils appellent à contribuer financièrement au fonds de soutien pour la défense de Djemila Benhabib. Un des journalistes qui l’appuient trouve scandaleux «d’utiliser le système judicaire pour réduire au silence ses adversaires politiques» au Québec qui est «une société dite libre et démocratique».
Djemila Benhabib n’est pas une inconnue des Algériens. Elle est elle-même d’origine algérienne, par son père, et a vécu à Oran avant de s’installer avec ses parents au Canada, qui ont quitté le pays du fait des menaces terroristes. Elle était venue en Algérie en 2010 pour la vente-dédicace à Alger puis à Tizi Ouzou de son livre intitulé Ma vie à contre-Coran, paru au Canada aux éditions VLB, en 2009, et qui venait d’être édité dans notre pays par les éditions Koukou. Djemila Benhabib avait alors parlé de son ouvrage comme «d’une réflexion sur l’islam politique à travers un vécu, mais aussi d’une analyse d’une journaliste algérienne qui a parcouru le monde et qui a vécu, comme tous les Algériens, le rouleau compresseur de l’intégrisme islamiste que l’Algérie a vécu au début des années 1990».
Djemila Benhabib est écrivaine, journaliste, enseignante et conférencière et a obtenu le Prix international de la laïcité en 2012, le Prix humaniste du Québec en 2014 et le Prix de la liberté d’expression en 2016.
Houari Achouri
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